Ça faisait quelques années que j’avais réduit drastiquement la viande, achetant du jambon «à la coupe», des escalopes de poulet et parfois du magret. Et puis il y a un an, j’ai sauté le pas et banni toute viande de mon frigo. Au fur et à mesure des mois, nous avons lentement intégré des plats véganes. Un an de vie avec un poupon qui ne pouvait pas manger de produits laitiers avait déjà largement enrichi notre vocabulaire en la matière. Ma belle amie D., végane, a aussi contribué à cette transition, nous nourrissant de plats incroyables et alimentant ma bibliothèque.
Désormais, nous vivons en équilibre. Il y a parfois du fromage à notre table mais plus de yogourts, ou de lait. Il y a des œufs et du miel, mais jamais de viande. Rarement du poisson – bien que Miss Swing commande des pâtes au saumon à chaque occasion spéciale.
Qu’est-ce que ça a changé? Tout. Ou rien. La transition a finalement été si lente qu’elle a laissé peu de stigmates. Mais quand même.
Je vais mieux. J’ai demandé à quelques amis également végés ou véganes et tous disent se sentir mieux, physiquement, mais aussi aller mieux, simplement. Moins de rhumes, moins de virus, moins de fatigue. Une diminution des symptômes de sa maladie chronique pour l’une de mes amies, également.
J’ai un discours (presque) cohérent. J’ai toujours aimé les animaux, mais j’ai un petit quelque chose pour les animaux de ferme. Je n’ai jamais mangé de cheval – à ma connaissance! – parce que je ne comprenais pas comment on pouvait aimer un animal et accepter de le manger. La voiture familiale arborait même un autocollant qui scandait « un cheval ça ne se mange pas ! Non à l’hippophagie ». Ce faisant, j’étais dans une hypocrisie palpable, mais dont je n’avais pas vraiment conscience à l’époque. Aujourd’hui, je me sens incapable de manger «une bête». Même un truc que j’adorais, comme le saucisson. Hier j’arrivais parfaitement à séparer l’animal vivant et le morceau de viande, aujourd’hui quand je vois une pièce de viande, j’ai l’animal en tête, toujours, indissociable. Le cerveau est réellement une machine extraordinaire!
J’ai un odorat différent. Quelques semaines après avoir cessé de manger de la viande, mon supermarché a déplacé – en raison de travaux – le rayon boucherie au milieu d’une allée qu’il fallait nécessairement traverser pour se rendre dans le reste du magasin. En y entrant, j’ai eu des hauts le cœur dignes d’un premier trimestre de grossesse. L’odeur de la viande était telle, qu’un instant j’ai cru qu’elle était avariée. Et puis, à force de discussions, j’ai compris que mon odorat avait certainement évolué avec mon alimentation. Tout comme mes papilles gustatives d’ailleurs. La première fois que j’ai utilisé du lait de soja dans une recette, j’ai jeté l’ensemble du plat dans une poubelle, dégoutée. Un an plus tard, je l’utilise dans mes lasagnes, mes crèmes au chocolat et mes gâteaux. Je verse de la crème de soja dans mes épinards, et dans mon riz au lait. Il a ce goût caractéristique, cette saveur rassurante, que je n’échangerais plus. D’ailleurs, la crème d’origine animale est devenue difficile à manipuler pour moi, d’autant qu’avec l’éviction des PLV de ma toute petite demoiselle, j’ai cessé d’en utiliser de façon régulière depuis bien longtemps. Vous êtes dubitatif? Faites l’expérience! Je trouve décidément le corps humain capable d’une évolution aussi épatante que l’esprit!
J’ai un répertoire de recettes épatant! Pendant longtemps, je concevais les repas comme une viande accompagnée de légumes et/ou de féculents. Le soir, c’était seulement des légumes, une soupe, une salade, ou bien une pizza, quelque chose comme ça. Enfant, je craignais les plats mélangés, inquiète que les légumes touchent de trop près les pâtes ou que le jus de la viande détrempe les à-côtés. Les plats végétariens, et surtout véganes, nous ont forcé à reconsidérer complètement notre façon de manger. Nous dînons désormais de pois chiches et carottes au garam masala (servis sur un riz basmati), ou d’un plat de pâtes aux légumes, sauce tomate aux lentilles. Les plats sont plus consistants, ils sont le partage même, généreux, savoureux, riches en couleurs et en épices.
J’ai ouvert une porte. En ouvrant la porte du végétarisme, j’ai l’impression d’en avoir ouvert des dizaines d’autres. La prise de conscience autour du sort des animaux, mais aussi de la qualité des produits qu’on nous propose et des conditions d’élevage m’a fait rechercher de plus en plus de produits peu transformés, avec le moins de pesticides possibles. Privilégier les circuits courts, les produits locaux. Me pencher sur les impacts environnementaux de l’élevage, et adopter tranquillement un mode de vie avec moins de déchets… C’est comme si toutes ces pièces étaient imbriquées. Je ne sais pas encore à quoi ressemble la grande image. Mais je suis curieuse d’ouvrir d’autres portes. Les perspectives semblent riches, vue d’ici.
Je suis curieuse, désormais. Avez-vous changé des choses dans votre vie ces dernières années ? Consommez-vous différemment ?
-Lexie Swing-