La nouvelle du mois

Je participe désormais aux rencontres des Jolies Plumes, qui proposent chaque mois un thème de nouvelle. Ce mois-ci, « Hall d’aéroport, quai de gare, siège arrière d’un taxi, aire d’autoroute. Il y a ceux qui partent, ceux qui arrivent, ceux qui fuient, ceux qui attendent. Et il y a vous/votre personnage. » Si vous voulez nous rejoindre, écrivez un petit mot à latelierdesjoliesplumes@gmail.com.

 

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Elle me porte, haletant, foulant à grands pas la grande avenue dallée de l’aéroport. Elle a souri à ses parents, essuyé d’un geste distrait les larmes qui nageaient entre ses cils, et elle est partie. Je bringuebale contre sa poitrine, tandis qu’elle accélère encore. Passage du contrôle. Il attend. Elle piétine. Il insiste. Elle fait mine de ne pas l’entendre. Il est de permanence, elle est en partance. Il déambule dans son quotidien. Elle a décidé de changer le sien.
« Enlevez tout, madame, je vous dis. La ceinture, le sac à dos, les chaussures… » Exaspérée, elle me jette dans ses bras, le temps de se défaire de son arnachement, qu’elle lâche sans un regard dans les paniers de plastique bleu.
« Madame, votre manteau dégringole… »
Elle l’ignore. Me récupère. Ne sonne pas. Plonge vers ses affaires abandonnées et les saisit. Un bref regard vers le contrôleur et la voilà qui s’en va, pieds nus et jeans tombants, vers la porte d’embarquement. Elle m’a poussée contre sa hanche et j’accompagne son pas dansant. Le contrôle passé, il se fait plus lent. Elle savoure, elle attend. Le moment est unique, les instants décisifs. Elle se souviendra toujours de ces heures, de ces visages, de ce hall sans fin qui l’emmène vers une nouvelle vie. Elle me sert contre elle et puis reprend sa course, ses pieds déchaussés frottant sur la moquette usée. L’embarquement a commencé. Elle défie la file, contourne le monde sans sourciller. Devant le tunnel suspendu, elle remet ses chaussures, me serre plus fort, inspire et se lance, sans un regard en arrière.
Place 10D, premier rang, le rang dévolu aux parents. Elle attend le berceau qu’on lui a promis. Sur ses genoux, je regarde le stewart qui me dévisage, l’enfant d’à côté qui supplie déjà sa mère de lancer la télé, la petite vieille du fond arrivée en fauteuil et que l’on peine à installer. Je la regarde. Elle me sourit, plonge son nez dans mes rares cheveux, inspire à pleins poumons mon odeur comme seuls les pères et mères aiment le faire, et puis elle chuchote : « la vie est une aventure, ma toute petite, et l’aventure, comme ta vie, commence à peine ».

 

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Les autres textes : IllyriaMa Vie de BruneI feel BlueLizzie Austen – Miss Blemish

 

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-Lexie Swing-

7 réflexions sur “La nouvelle du mois

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