Le dimanche a déjà filé, à la vitesse à laquelle filent ces journées-là. On les voudrait reposantes, mais elles sont souvent éreintantes, reflets exacts de nos semaines de travail. On tente d’y faire rentrer mille activités et autant de ménage, du rangement et des jeux partagés, des moments pour soi aussi, des discussions d’adultes. On a l’absurdité de penser que ces journées font 32h, quand elles n’en font que 24, et que la fatigue de la semaine coupe déjà de moitié l’énergie qu’on voudrait consacrer à bien faire.
Mon cousin était de passage, revenu de Québec, en route pour New-York. Après son départ, rejouant dans ma tête les conversations, j’ai perdu le fil. «Où travailles-tu?», me souvenais-je avoir demandé à son ami. Et puis la réponse, confuse dans ma tête. Des morceaux de phrases. Et Tempête qui crie depuis le trampoline. Je m’étais levée pour départager une dispute, pour nettoyer un genou, pour remettre de l’eau dans les seaux rose et bleu. Je m’étais rassise. «L’équipe est formidable», finissait-il alors, à l’attention de mon amoureux, qui avait tenu le fort des conversations en mon absence. J’ai bu une gorgée de limonade. «C’est le plus important», ai-je conclu. J’ai su plus tard, de quel emploi il s’agissait, et la couleur de son quotidien, lors d’un bref retour sur les échanges avec mon conjoint. J’avais loupé la moitié, la moitié des conversations, la moitié des jeux.
On dit souvent que les parents sont des équilibristes, des jongleurs. Ce qu’on dit peu, en revanche, c’est que bien souvent les balles tombent. Le spectacle n’est pas si beau et l’exécution imparfaite, laissant l’ensemble des spectateurs avec un goût d’inachevé. Les enfants à qui l’on n’accorde qu’une attention sommaire, les invités dont on se détourne trop volontiers.
Et que dire du jongleur?
J’ai parlé de tourisme en essuyant des bouches dégoulinantes et disserté des coutumes locales en épongeant des verres renversés. Assise au bord de ma chaise, tantôt repoussée dans un coin par des petites fesses qui voulaient tant s’asseoir à mes côtés, tantôt escaladée, puis aussitôt jalousée, assaillie pour être surmontée. Je suis encore chanceuse que le nombre de mes genoux égale celui de mes enfants.
Les appels incessants, les «Maman» que l’on croit ignorer un instant, les paroles que l’on manque. L’adulte qui parle au premier plan tandis que l’enfant chute, à l’horizon. L’œil qui imprime tout, l’oreille qui enregistre. Les variations de tons, les jeux que l’on sait compromis, les prémices des disputes, les coups que l’on devine avant que le bruit nous parvienne. Les sourires que l’on fige, les excuses que l’on donne, l’impatience que l’on contient et le bras que l’on agrippe un peu trop fort.
Mon corps libéré, la journée écoulée, j’ai déambulé le long du trottoir, sur le chemin de l’épicerie. Toute entière dans cet épuisement. J’ai revécu ma journée, volée à moitié. Les pieds fragilement ancrés sur une ligne oscillante, jonglant entre deux réalités.
-Lexie Swing-
Exactement ça, on est partout et nulle part à la fois…
Mais on essaye et on essaye encore …
C’est le souci d une parentalité aux petits soins avec nos enfants , une hyper vigilance de tous instants , une fatigue équivalente à un soldat en permanence sur la ligne de front , … nous fesons le travail d un village , mais dans des cercles sociaux en général plus restreint …
Trés bien écris au passage :)
Je trouve que lorsque les invités présents sont également parents, la vigilance est comme partagée et repose sur les épaules de plusieurs personnes, ce qui rend les choses plus faciles.