Tatoué(s)

Old man./ Photo Jess Cheng

Old man./ Photo Jess Cheng

Je suis tatouée. Longuement. Discrètement. Mon frère l’est aussi. En couleurs. En largeur. En tapageur.

Et qu’importe les motifs et le choix, ou non, de la discrétion, nous nous sommes l’un et l’autre souvent demandé à quoi nous ressemblerons dans plusieurs dizaines d’années. Quand notre peau sera non seulement tatouée, mais aussi amochée, ridée, constellée des taches improbables que le temps semble semer.

On voit parfois passer des diapos photos de personnes relativement agées arborant bagou et peaux tatouées. Mais qui sont-elles ces personnes? D’anciens musiciens, de vieilles célébrités. Pas plus vous ou moi que la vie n’est représentée par la télé-réalité. Quel regard portera-t-on sur moi dans 40 ans, si mon chandail échancré dévoile au passage une courbe de mon tatouage?

A l’épicerie (oui je passe ma vie à l’épicerie) (merci congé maternité), il y a ce gars qui aide à mettre les courses dans les sacs. Au Canada, ce n’est pas du bénévolat, c’est un emploi rétribué largement apprécié. Et attention, j’ai déjà essayé de mettre moi-même mes courses dans mon sac et essuyé un regard désapprobateur, tout autant à cause de mon manque de civisme (je piquais le boulot de quelqu’un) que de la manière déplorable dont je rangeais mes courses. Ben oui, ça prend une formation, et non le pain de mie ça ne se met pas sous le jus de fruits pis trois cannes de haricots. Mais bref (folle digression). Ce gars donc, je l’aime bien. Il est poli, bienveillant, affable. Il a l’âge où l’amertume a souvent pris le pas sur la bienséance au nom d’un je-m’en-foutisme bien commun chez ceux que la vie n’a pas toujours épargné et qui se disent que quitte à s’emmerder, autant le faire dans les grandes largeurs et si possible à voix haute. Pourtant, ce gars-là reste gentil. Il gazouille devant la petite mandarine, propose toujours de porter mes courses et range mes produits avec un soin particulier. Il a toujours un mot gentil pour le sourire du bébé, toujours une remarque drôle sur le temps qu’il fait. J’aurais le goût de l’appeler Papi, et pas parce qu’il est âgé. Juste parce qu’il a cet humour et cette bonne humeur que je chérissais chez le mien. Il porte des petites lunettes, des cheveux parfaitement blancs et une chemise à carreaux bien repassée.

Aujourd’hui, dans la chaleur de l’effort, il avait fait deux revers bien pliés sur ces bras de chemise. Il avait la peau tachée, la peau ridée, la peau bronzée, d’ailleurs, aussi.

Pis des ENORMES TATOOS. La couleur était un peu passée. Je n’étais pas sûre de discerner les contours. D’en comprendre les dessins. Mais j’ai deviné qu’il y avait une histoire derrière. Qu’elle soit triste ou stupide, drôle ou candide, que ce soit des tatouages de m’as-tu-vu ou des pensées bouddhistes, ils me sont apparus comme une photo d’époque, un clin d’oeil à ce qu’il avait été, comme s’il portait, tatouée sur sa peau, ses jeunes années. Et j’ai trouvé ça « hot », au sens québécois du terme. J’ai trouvé ça stylé. Gonflé. J’ai admiré.

Et je me suis dit que dans quarante ans, peut-être qu’une jeune femme comme moi, peut-être que l’un de mes petits enfants, apercevra mon tatouage à la faveur d’un pull flottant. Et qu’il sourira. Comme moi.

-Lexie Swing-

4 réflexions sur “Tatoué(s)

  1. je suis sûre que tu seras toujours fière de tes beaux tatoos, même dans 40 ans, parce qu’ils font partie de toi et qu’ils représentent une partie de ta vie ;)
    bizz

  2. C’est marrant, je ne t’imaginais pas tatouée. Je ne sais pas pourquoi… peut-être parce que ça renvoit à l’idée de la femme plutôt que de la maman, et ces derniers temps, je voyais plus ton côté maman sur le blog. C’est con, en fait.

    Je trouve qu’on fait souvent tout un drame du vieillissement… quand je vois ma mère, ma mamie, mes amies plus âgées, je ne me dit pas « oh, les vieilles! »

    J’ai appris autre chose en lisant ton article : de temps en temps, je fais l’épicerie à Gatineau, au Québec, à quelques minutes d’Ottawa. Effectivement, y’a quelqu’un à IGA qui met tes courses dans le sac… et je ne savais pas si je devais tipper ou si c’était un emploi en bonne et due forme. En Ontario, c,est le caissier qui met tes courses dans le sac.

  3. J’aime les tatouages, même si je n’en ai aucun (pour le moment). C’est comme sauvegarder une partie de soi pour l’éternité, une époque qui nous a marqué, un défi fou.
    Ces images sur le corps me racontent une histoire…

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