On a vu arriver l’hiver québécois avec l’envie de ceux qui y font face pour la 11e fois : plutôt réduite. Avant le manteau blanc est arrivé le froid polaire, piquant comme un vin très jeune. Ce froid qui empoigne le visage et force à baisser les yeux, le nez glissé dans des écharpes toujours trop fines. Le moindre geste extérieur est devenu pénible : jeter un sac aux vidanges, sortir le chien ou aller faire une course à l’épicerie du coin. Plus rien n’est anodin et l’amplitude thermique se mesure au temps de préparation dans l’entrée.
Dans mon entourage, certains se préparent à leur premier hiver. Ils ont l’enthousiasme de ceux à qui l’on a donné la clé du pays des merveilles et des décors Hallmark. Manteaux d’hiver enfilés dès les premiers frimas, ils découvrent avec ravissement qu’il existe un monde en dessous de zéro et que celui-ci vit encore. Pire : il vit normalement. Il travaille, fait du sport et range son épicerie dans son coffre comme si le blizzard ne menaçait pas de recongeler le pain de mie en tranches.
Je me souviens encore, de mes premiers hivers, et de ces amis qui râlaient dans leur manteau d’automne en luttant contre le froid. Comment pouvaient-ils être las face à ce soleil lumineux sur la glace luisante ? « Tu verras, quand ça fera dix hivers comme nous ». Et puis ça a fait dix et je n’ai rien senti. Et puis ça a fait onze et j’ai enfin compris. J’ai compris que l’on pouvait aimer démesurément un endroit mais vivre le froid arrivé trop tôt comme un affront personnel. Que l’on pouvait accuser le coup d’un entraînement de course amoindri par la venue hâtive de la neige. Que c’était peut-être même ça un peu, d’être citoyen canadien : détester que le froid revienne et puis vivre quand même.
Parce que c’est toute la beauté de cette vie-ci. Craindre le retour du froid et l’accepter malgré tout. Ne pas lutter. Faire preuve de bonhommie face à ces aléas de température sur lesquels nous n’avons aucun contrôle. Se raccrocher au meilleur : la neige craquante sous les baskets de course, les chocolats chauds qui fument dans le froid du matin, le foyer en plein air sur la place du village. C’est notre petit coin qui prend des airs de stations de ski tous les hivers, justifiant que l’on dîne de raclettes plus souvent qu’à notre tour.
J’écoutais récemment les mots d’une suédoise qui vit proche du pôle nord et se trouve désormais dans cette période appelée la nuit polaire. Ce temps de l’année où la nuit s’installe pour plusieurs mois. Répondant au désarroi de ses lecteurs qui lui assuraient qu’eux mêmes « ne pourraient jamais supporter une nuit permanente », elle répondait quelque chose de doux, et de juste. Elle disait qu’elle aimait cette période car elle lui permettait de suspendre le temps. Elle s’autorisait alors à se replier sur elle-même, à prendre du recul et le temps pour des puzzles au coin du feu. Comme un long dimanche. Quand, finalement, se laisse-t-on le temps de n’être rien de plus qu’un corps chaud lové sur un vieux sofa, qui n’attend rien du moment, et n’analyse rien, ni ce qui était, ni ce qui sera ? À sa manière, en réduisant nos temps de clarté journalière et amenuisant la longueur de nos sorties, l’hiver nous donne sa bénédiction. Il nous autorise, pour quelque temps, à rester, immobiles, en suspens.
Vous rappelez-vous des L5 ? “Toutes les femmes de ta vie, en moi réunies…” Un classique de la musique populaire dans des années où j’avais moins mal aux genoux, si vous voyez ce que je veux dire. En play-back le samedi matin lors du Hit Machine, le groupe monté par la grâce de producteurs ambitieux, pour ne pas dire opportunistes, ânonnait des paroles comme seules la pop (et Dieu sait que j’aime la pop) sait en enfanter.
Ce sont ces paroles-ci qui me sont venues en tête récemment, alors que mon esprit se perdait dans les méandres de mon agenda hebdomadaire. Lundi ? Psy. Mardi ? Ergo. Mercredi ? Technicienne dentaire. Jeudi ? Rencontre avec la professeure. Vendredi ? Masso. Des femmes qui nous entourent aux femmes qui nous supportent, mon monde repose en majorité sur les femmes qui gravitent autour de moi. Il faut dire que j’oscille dans un microcosme, un périmètre réduit à ma ville de banlieue où je dors, travaille, envoie mes enfants à l’école, fais mon épicerie, etc.
Les femmes y sont partout. Elles sont nos interlocutrices au café, au magasin local de produits de santé, à la petite échoppe d’aliments en vrac, au café, au salon de thé, à la crémerie, chez le coiffeur, au club mamans-bébés. Elles sont le tissu social fort des petits coins comme le nôtre, et maintiennent ce lien qu’on accuse si souvent notre époque de dénouer.
J’ignore s’il s’agit d’un trait de caractère réellement genré ou si c’est la société qui nous modèle tant à devenir une certaine version de nous-mêmes, mais je crois que c’est notamment la capacité de communication forte des femmes qui permet à ce lien d’exister. Par delà la capacité à s’exprimer pour vendre qu’on a si longtemps raccrochée à un trait de caractère masculin, on est ici dans la communication comme vecteur d’un lien social. Ici, ce sont les femmes qui parlent, qui prennent des nouvelles, qui tiennent au courant. Entre nous un réseau se crée, plus puissant que n’importe quelle plateforme. Des messages ponctuent des fils de conversation entre voisins, entre amis, avertissant d’un retard d’autobus, d’un danger sur la route, d’un événement à venir. Les questions fusent, les propositions s’entremêlent. C’est quoi la liste 5 de vocabulaire ? Quelqu’un a-t-il un aspirateur en dépannage ? Rappelez-moi le nom de la dentiste ? Qui a déjà testé le nouveau resto sur la rue d’en haut ? On y donne nos avis, nos plats bien garnis et nos bénédictions.
Je sais que les hommes sont présents, de manière moins visible certainement. Mais cette vie, ce bruissement, cet intangible effort à rassembler, cette sororité qui n’a pour essence que le besoin même d’assurer des connexions qui deviennent un rempart au monde extérieur, c’est l’apanage des femmes. À chaque heure de ma vie, j’ai une pensée pour l’une d’elle. Pour celle qui nous nourrit, pour celle qui soigne, pour celle qui les éduque.
Cela prend un village pour élever un enfant, et beaucoup de femmes pour y grandir.
Immigrants de deuxième génération. De troisième. Ou quatrième. Avez-vous déjà entendu cette expression ? Dans l’imaginaire de classes, il fait référence à une réalité marginale, des inconnus venus d’ailleurs il y a longtemps et qui se sont installés dans le pays dont on est citoyen. Si le nom porte des consonances particulières, on devine ces origines lointaines. On les tance parfois, persuadé que la personne que l’on a en face de soi est arrivée hier sur le sol que l’on partage quand bien souvent elle y est née, comme nous. Mais avec un nom d’ailleurs.
Ce qui me consternait, quand j’étais plus jeune, c’était de voir des proches, immigrants de 4e génération, faire preuve de rejets envers des immigrations de 1e et 2e génération. Ils étaient souvent originaires de régions du monde différentes, avaient immigré à des époques autres mais s’étaient fondu dans une masse qui avait étreint leurs noms et leurs habitudes, entremêlant des cultures pour en créer de nouvelles. Ils étaient devenus d’ici, reprochant aux autres d’être d’ailleurs, plus royalistes que le roi lui-même, peut être inquiets de se voir un jour reprocher leur état citoyen, leur être français, si la récente immigration provoquait une houle infondée.
Nous étions partiellement de ces citoyens d’immigration lointaine. Et puis je suis partie. Et je suis devenue une immigrante de première génération. J’ai eu des enfants, devenus à leur tour des immigrants de deuxième génération. Nous vivons ici depuis dix ans, et avons adopté un certain nombre d’habitudes, de goûts culturels et de connaissances historiques. Nos enfants étudient une histoire qui n’est pas celle que nous avons connue, et une géographie qui met de l’avant une réalité différemment orientée. Mais immigrants nous restons, forts de ce que nous portons en héritage, conscients des écarts et des multiples façons d’être.
10 ans nous ont ancré mais je m’interroge parfois sur la solidité de nos racines. Est-on la première génération d’une nouvelle branche de l’arbre ? Est-ce que, dans 200 ans, nos descendants étudieront l’arbre généalogique en parlant de la branche canadienne qui s’est étirée à l’ouest du monde ? Ou bien sitôt l’âge adulte venu, nos filles partiront vers de nouvelles aventures, un autre territoire de jeu. Partiront-elles là d’où nous sommes partis ? Et est-ce que cela devient alors un retour aux sources ? Ou une nouvelle immigration ? Est-ce que le monde nous enchante au point d’avoir fait de nous des générations nomades, dont les racines se replantent au gré des envies et des pérégrinations ?
Je me plais à penser que, quel que soit le chemin qui sera suivi et les branches de l’arbre qui fleuriront, nous sommes le début de quelque chose de différent, d’une identité nouvelle qui se perpétuera dans les générations qui nous suivront, marquées à jamais de cette double identité. Parfois, je me dis que nos jours futurs se feront entre deux avions, partis rejoindre nos filles à l’autre bout du monde. Et d’autres fois, je songe que le campement établi deviendra château, que les piquets deviendront fondations, et qu’elles seront pour toujours d’ici, avant d’être d’ailleurs. Deuxième génération d’immigrants, sixième génération d’un lointain déplacement, filles en mouvement dans cette planète si vaste. Elles plongeront leurs racines dans la terre glacée de ce pan-ci du monde, entre océans et forêts, vibrantes d’une patrie qui les a accueillies à défaut de les avoir portées, et cela rend peut être encore cet attachement là plus profond, d’être devenu par choix et non par naissance.
Dix hivers, voici le temps que nous avons déjà passé sur ce côté-ci de la planète. Il y a eu des tas de changements, de belles évolutions et notamment l’obtention de la citoyenneté canadienne pour nous trois (Tempête l’avait de naissance, à sa grande fierté), mais cette simple idée me stupéfie : une décennie d’hivers.
Je me souviens avec précision des blogs que je lisais à l’aube de notre immigration. Je découvrais les mots de Français qui, avant nous, avaient fait la grande traversée. Ils étaient installés depuis quelques mois, ou déjà plusieurs années pour certains. Mon goût pour l’aventure dans l’habitude – tout un concept – me donnait l’envie de pouvoir moi aussi être de ceux qui ne sont plus dans la nouveauté, mais bien dans une forme d’habitude confortable donnée à ceux qui ont l’expérience des années. Sans surprise, beaucoup des gens que je lisais alors ont cessé de partager sur leur immigration, et plusieurs sont même repartis en France, depuis. Moi, je m’inscris désormais dans une décennie saisonnière. L’hiver est revenu et je ne cesse de m’en émerveiller. Mais que retire-t-on finalement, de l’expérience des hivers passés ?
Le froid est relatif
Le Québec est une province où il fait froid vivre, bon vivre mais fraîchement donc. La neige y est abondante, l’hiver est long et -20 degrés Celsius est une température relativement commune. Le pire, ce n’est pas la température affichée, c’est son ressenti. Un -10 degrés peut te transformer en glaçon si le vent est de la partie. A l’inverse, un -15 degrés bien sec passe relativement bien. La légende dit qu’un gars croisé dans le Nord du Québec a juré ses grands dieux (ou pas, parce qu’on ne fraye pas trop avec la religion icitte) qu’il avait eu plus froid un automne en Bretagne qu’au Saguenay (Québec) en plein hiver.
Être habillé comme si tu allais au ski est commun
Ce que j’aime dans notre petite ville de banlieue, c’est que lorsqu’elle se pare de son manteau neigeux, elle ressemble volontiers à ses petits villages de station que l’on trouve dans les montagnes françaises. On y croise des gens qui soufflent au dessus de chocolats chauds fumants, de la neige sur les trottoirs et surtout, des tuques et bottes de neige en abondance. L’habillement complet comprend donc la tuque et les mitaines (le bonnet et les gants, en France), de grosses bottes chaudes qui accrochent bien sur la neige et un bon cache-cou. Personnellement, je ne pars jamais en forêt l’hiver sans mon pantalon de neige, soit un pantalon de ski, que j’enfile par dessus des leggings. Pour les enfants, c’est l’habillement quotidien, récréation oblige. Autant dire qu’après 4 mois d’hiver, tous les parents du Québec lorgnent avec espoir sur la remontée des températures.
-30 degrés Celsius ce n’est pas si intense
Rapport au premier point, le froid est relatif. Les habits sont faits pour lutter contre le grand froid mais face au froid sec, le corps est finalement relativement résistant. Ainsi, lors de notre premier hiver, nous avons passé le 31 décembre dans un chalet pourvu d’un spa. Pour rejoindre celui-ci, il suffisait d’enfiler son maillot, et de traverser la cour au pas de course pour sauter dans l’eau chaude. Le petit défi supplémentaire ? En cette fin d’année 2013, les températures dans Les Laurentides affichaient -30 degrés. La parfaite température pour affronter l’extérieur en maillot de bain.
Durant l’hiver, les températures ne descendent pas si fréquemment à -30 degrés à Montréal ou dans sa proche banlieue. Mais quand cela arrive, ce n’est pas si intense, ni si difficile. Tant et aussi longtemps que le vent ne se mêle pas de la partie.
La glace est partout
Le secret de l’hiver canadien, c’est d’avoir de bons patins. Avec de telles températures, les lacs et rivières gèlent facilement et les patins sont donc un parfait investissement. La plupart des endroits extérieurs sont gratuits, mais les arenas des petites villes aussi et ça c’est top. La plupart des parcs ont leur patinoire extérieure et même des particuliers relèvent le défi d’en créer une dans leur cour. La glace se forme aussi volontiers sur les routes, et c’est là où ça peut devenir franchement rigolo. Par exemple, notre rue n’est pas déglacée l’hiver et les vents y sont particulièrement actifs. J’ai des souvenirs émus de tentatives plus ou moins réussies pour rejoindre l’autobus au bout de la rue, bras en croix et espoir vif. Depuis, j’ai investi dans des bottes avec crampons.
Avoir un service de déneigement privé est courant
Neige abondante oblige, un bon nombre de résidents, surtout en banlieue des grandes villes, choisissent d’investir dans un service de déneigement privé. Ces armées de déneigeuses miniatures débarquent généralement dès potron-minet pour déneiger les allées des maisons avant que le commun des mortels ne se lève pour aller au bureau. Ils rejettent la neige ainsi ramassée dans les terrains, créant des montagnes de plus en plus hautes à mesure que l’hiver, et ses tempêtes, avance.
Quelques conseils en vrac si vous prévoyez immigrer bientôt au Québec ou si vous êtes là depuis peu :
Choisissez vos bottes et manteaux avec soin, ils seront votre quotidien au minimum 4 mois par an, autant ne pas lésiner sur le confort ET le style;
Pensez aux bottes de neige pour les pitous, il y a du sel partout sur les routes;
Mettez-vous aux sports d’hiver; la saison est longue pour ceux qui ne l’apprécient pas et courte pour les mordus de ski alpin, ski de fond, raquettes, descentes sur tubes et patins;
Ne sous-estimez pas le froid, prévoyez des étapes, du chaud, des couches supplémentaires et des balades courtes. On n’a pas la même résistance au froid lorsque l’on est né dans des contrées au climat différent, et ça se sent !
Vous n’êtes pas obligé de souscrire un service de déneigement, déneiger quotidiennement remplace volontiers une inscription au gym;
Ne vous laissez pas miner par ceux qui disent être tannés de l’hiver, vous avez le droit d’être heureux et émerveillé de voir la neige tomber.
Des raquettes, notamment dans les parcs de la Sépaq qui peuvent même vous louer le matériel;
Du ski de fond, qu’il est possible de faire même à Montréal, au Mont-Royal;
Du ski alpin – à ce titre, la station de Saint-Bruno est actuellement accessible en autobus, depuis la station Longueuil-Université de Sherbrooke, grâce au skibus;
Des descentes en tube, dans les parcs des municipalités (gratuit) ou dans des lieux spécifiquement dessinés pour ça (payants), comme à Piédmont;
Des balades avec des chiens de traineaux, dans un endroit respectueux des animaux. Tu peux le faire en traineau ou en ski (ski-joering) si t’as le goût du risque. Bientôt, on va tester Auckaneck, dans les Cantons de l’Est, on vous en redonne des nouvelles !
De la pêche blanche, pour ceux qui aiment, est une activité facile et courue. Elle est possible à plein d’endroits, et notamment dans plusieurs parcs de la Sepaq;
De la motoneige, dispendieuse mais proprement grisante. J’ai eu la chance d’en faire en Laponie il y a quinze ans et je rêve de faire essayer à mon amoureux. Parmi les endroits qui en proposent, nous avons eu une bonne expérience, pour des activités plus automnales, avec Aventures Plein Air, dans les Laurentides;
Et puis enfin, dans le lot des activités plus inédites, j’ai recensé aussi le canot à glace, le canyoning et l’escalade de glace, ou encore le snowkite. La liste complète est à découvrir sur Aventure Québec.
Et vous, c’est quoi LA principale activité qui occupe votre hiver (à part Netflix bien sûr) ?
Je n’aime guère le printemps. Ce n’est pas très politiquement correct, c’est souvent mal compris, c’est un peu comme de dire que l’on abhorre les pâtes ou qu’on reste de glace devant des vidéos de chatons, mais voilà : je n’aime guère le printemps.
Il faut savoir qu’il n’en a pas toujours été ainsi. Au commencement, c’est tout de même le printemps, un printemps assombri par le nuage de Tchernobyl qui n’avait que faire de la frontière, qui m’a vue naître. Un matin d’avril enneigé, c’était peut-être déjà un pied de nez à ce complot ourdi contre les gens de bonne foi à qui l’on fait croire que le printemps est le matin d’un monde nouveau.
Laissez-moi vous le dire tout de go : l’hiver est le matin d’un monde nouveau. Le petit matin. Ce moment tendre où les paupières clignent et les bras s’épanchent au creux des oreillers. L’hiver est une promesse. L’espoir se tapit sous la neige, sous les manteaux trop chauds. Il est l’amour, le réconfort de bras grand ouverts, la chaleur d’un bois qui s’embrase dans la cheminée. Il n’est pas rare de demander à des immigrés québécois s’ils ne trouvent pas l’hiver trop long, ou trop froid. Cinq mois à flirter avec des températures négatives, il est certain que c’est une aventure en soi. Certains repartent et mentionnent l’hiver, entre autres, comme cause de leur lassitude. Nos sensibilités à tous sont différentes mais pour bien apprécier l’hiver, au Québec, il faut s’y engouffrer. Prendre chaque nouvelle tempête comme une promesse de jeu, chaque chute des températures comme un défi à relever. J’adore l’hiver au Québec : les manteaux longs, les bottes moutonneuses, la glace et la neige qui craquent sous les pas, le blanc à perte de vue, le soleil radieux, le patin toutes les semaines, les raquettes, le ski alpin, le ski de fond, le fat bike, la luge… les raisons de sortir ne manquent pas pour qui aiment l’aventure.
Mais nous voilà désormais aux portes du printemps. C’est une mise à nu. La neige se charge de boue et les flaques grandes comme des lacs viennent ponctuer le chemin. Il pleuvra bientôt tant qu’un ruissellement constant bercera nos jours et nos nuits. Ma fille aînée, sentencieuse, me dira que la terre a besoin de cette eau pour nettoyer l’hiver, pour laisser place au temps chaud. Une leçon apprise à l’école et qu’elle me redonne chaque année. Le ménage de printemps, tout nettoyer pour tout recommencer. Le printemps est une transition, un entre-deux, une pause ménage entre deux loisirs.
Ceci dit, un ménage, moral et physique, ne sera pas du luxe. Nous sortons à peine de la relâche, soit la semaine de vacances hiverno-printanière de notre progéniture, durant laquelle nous avons pu explorer une contrée un peu trop visitée ces temps-ci : deux enfants en congé, dont une cloitrée à la maison pour cause de statut « cas contact », durant une semaine, alors que nous télétravaillions. Pour parfaire le tableau, une éclosion de Covid-19 – je précise de quelle éclosion il s’agit si je me relisais dans dix ans et que j’avais miraculeusement oublié cette période sombre de notre existence – a eu lieu une semaine avant la fameuse relâche, entrainant une fermeture de l’école et un dépistage massif. La semaine de vacances c’est donc transformé en un deux-semaines tout inclus : les enfants, l’école en visio, le stress en bandoulière et des parents internautes armés jusqu’aux dents de commentaires acerbes au regard de ces « jambons » (je cite) qui organisent des rencontres enfantines sauvages dans un coin de sous-sol.
Le printemps arrive donc. Avec sa pluie, sa fonte des neiges, mes 35 ans et l’espoir fugace que ce virus-dont-on-a-trop-prononcé le nom aille se faire cuire un oeuf dans un autre espace temps que le nôtre. A nous la liesse, la chaleur et les pintes en terrasse.
Cet été, pour la seconde fois, B. prendra l’avion pour aller passer ses vacances en France. Nous sommes très chanceux que ses grands-parents et sa tante puissent ainsi la recevoir et lui offrir de vraies vacances. L’an dernier, plage et piscine étaient au programme. Un été riche en souvenirs pour elle, qui a pu partager des jeux avec ses cousins et apprendre les prémices de la nage.
L’an prochain, c’est avec sa soeur que nous espérons l’envoyer, pour leur éviter ainsi quelques semaines de camps d’été et nous offrir une pause bien méritée. Être parent lorsque l’on est immigré ou expatrié représente souvent une job à temps plein et les pauses sont rares! À nous les restos, le cinéma et surtout la débauche ultime : aucun lunch à préparer pour le camp d’été ou l’école.
Reste que la procédure peut paraître floue. À 7 ans, B. ne peut guère voyager seule. Pas même avec l’assistance offerte par les compagnies aériennes, service offert généralement à partir de 8 ans. Comme nous n’allons pas en France cet été, il nous a donc fallu trouver des accompagnants. Sa grand-mère viendra ainsi nous rendre visite deux semaines en juillet, puis repartira avec notre grande. Trois semaines plus tard, ce sont mes parents qui l’embarqueront dans leurs bagages, direction Montréal d’où ils partiront ensuite visiter la Gaspésie avant de passer du temps avec nous.
Un seul enfant mais des accompagnants différents, c’est là où le casse-tête commence. Nous aurons désormais fait le test avec Air Transat puis cette année avec Air Canada. Grâce à Delphine, j’avais pu commencer à démêler l’écheveau l’an dernier. Forte de ces dernières expériences, dont une réservation toute récente, voici un bref pas-à-pas.
1) Soyez sûr de vos dates. La partie la plus longue est certainement celle qui consiste à constituer le calendrier de l’été en jonglant entre vos vacances, les camps d’été et les disponibilités des accompagnants. Vérifiez les dates des camps, synchronisez-vous avec les parents des amis de vos enfants, vérifiez les disponibilités de la famille ou des proches qui accueilleront vos enfants, ainsi que leurs projets pour l’été à venir. Solliciter ainsi les gens en décembre pour l’été suivant parait un peu contre nature mais à l’ouverture des camps – dès janvier ici pour certains – tout le monde sera content d’avoir anticipé.
2) Demandez aux accompagnants de prendre leurs billets. C’est la base de tout. Si vous n’avez pas les billets des personnes qui accompagneront votre enfant, vous ne pouvez pas prendre son propre billet, puisqu’un enfant ne peut voyager seul. Assurez-vous qu’ils voyageront tous avec la même compagnie (ça aide!).
3) Une fois que les accompagnants vous ont transmis leurs billets, appelez la compagnie aérienne. Choisissez le service de réservation simple et expliquez que vous appelez pour réserver le billet d’un enfant. Vous aurez besoin du nom des personnes avec qui votre enfant va voyager, de leurs numéros de réservation, des dates et heures de vol des segments sur lesquels ils accompagneront votre enfant; ainsi que de leurs numéros de siège, s’ils les ont choisis. Si vous voyagez avec Air Transat, pensez à indiquer que votre enfant fait partie du Club Air Transat (ou inscrivez-le au Club si vous ne l’avez pas encore fait, c’est gratuit!).
4) Demandez à recevoir par courriel la confirmation avant de raccrocher. Et soyez vigilant! Si vous pouvez faire relire une tierce personne en même temps que vous c’est l’idéal. À titre personnel, j’ai toujours connu des erreurs dans les premières versions des réservations. Notre enfant à un nom de famille difficile à écrire, un prénom un peu original, et il est normal – en tout cas pas du tout inconcevable – que l’agent qui saisit le nom puisse faire des erreurs. Quant aux dates, heures de vol… elles devraient être préservées des incohérences, l’agent jumelant le vol de votre enfant avec une réservation déjà existante, mais si l’accompagnant est quelqu’un qui confond souvent les dates (moi par exemple), prenez soin de bien tout vérifier deux fois.
5) Vérifiez les passeports, demandez éventuellement des visas et rédigez des autorisations de sorties du territoire. Selon le pays dont partira votre enfant, celui dont il est originaire, celui à travers lequel il transite, etc, vous pourriez avoir besoin de fournir des documents supplémentaires. N’hésitez pas à vous y prendre tôt!
C’est fait? Respirez… appréciez… Dans quelques mois, votre enfant partira vivre des vacances bien méritées… pendant que vous profiterez des vôtres (si si, le boulot aussi ça peut être des vacances, surtout quand on peut prendre son temps pour rentrer le soir). Vous avez peur de sa réaction? Vous ne savez pas comment bien le préparer au voyage? On s’en reparle bientôt!
Depuis quelques semaines, je suis prise dans un tourbillon boulot-enfants-dodo. Les journées de travail sont pleines à craquer, et la routine s’installe dès la porte de l’école passée. Mes seuls moments de pause sont les trajets de train, quand je ne passe pas ceux-ci à faire mon épicerie en ligne ou à commander des bottes de neige pour la petite dernière.
Dire que je rêve d’écrire et que l’application Notes de mon téléphone ne désemplit pas des idées foisonnantes que j’ai pour le blog serait vous mentir. Ma jauge d’inspiration est inversement proportionnelle au taux de remplissage de mes journées actuelles : proche de zéro.
Alors, parce qu’on se connait depuis déjà 7 ans (pour certains), et que j’ai horreur de ces pages abandonnées qui trainent comme des zombies mal suturés sur la Toile, j’ai pris le parti – à défaut d’un article structuré – de vous donner des nouvelles.
1)Numéro 1, ma grande fille de 6 ans et demi, est d’une humeur particulièrement joviale ces jours-ci. Hier j’ai dit «tu peux aller prendre ta douche s’il te plait?», et elle a répondu «bien sûr Maman, j’y vais tout de suite et je viendrai finir mes devoirs après». C’est bien simple, il y a encore une version fantomatique de moi, bouche bée au milieu de la cuisine, qui ne s’est pas encore remise de cet échange.
2)Il y a un principe (pseudo) scientifique selon lequel : si et seulement si l’enfant numéro 1 s’assagit brusquement, alors son cadet prendra sa place comme maître des enfers. J’ai pour projet de faire floquer un chandail taille 4 ans «Here comes Trouble» (« les ennuis arrivent »). Elle qui avait traversé le Terrible two et le Threenager avec la grâce d’une colombe à l’Armistice se borne désormais à rouler sur le chemin de la vie comme un automobiliste saoul : elle engueule les autres et s’entête à prendre les chemins de traverse, même s’ils sont recouverts de moquette et qu’elle porte des bottes de neige souillées. Elle ne veut que l’assiette rose, les vitamines rouges, les t-shirts avec un bonhomme au milieu, deux tresses et pas une, et surtout pas de légumes. Bref, c’est un charme.
3)La neige est arrivée mardi – pour une fois Météo Média ne s’était pas trompé. Depuis c’est la file chez le garagiste, nos sacs de feuilles minutieusement ramassés dimanche sont sous 15 centimètres de poudreuse et il a fallu acheter des bottes de neige aux enfants en urgence parce que les anciennes étaient deux pointures trop petites.
4)On a fêté la Saint de mon prénom, provoquant au passage l’incompréhension de mes amis et collègues. Ici l’anniversaire se dit la Fête, et les fêtes ne se fêtent pas. Autant dire que fêter ma fête à l’automne alors que je suis née au printemps paraissait peu opportun. Finalement, nous nous sommes tous accordés pour dire qu’avoir deux journées à soi au lieu d’une est une richesse que nul ne devrait laisser passer. J’en ai profité pour raconter à mes filles d’un ton énamouré comment, dans mon enfance, la dame de la météo annonçait chaque soir le nom des personnes qu’on allait fêter le lendemain. Leur désintérêt a été aussi vif que ma nostalgie!
5)Notre fille de 4 ans (la Trouble susmentionnée) (prononcée Troubeul, parce que c’est en anglais) ne semble toujours pas décidée à passer des nuits apaisées. Elle attend systématiquement que j’ai éteint ma propre lumière – s’accordant à l’heure à laquelle je décide de le faire, elle n’est pas difficile – pour hurler mon nom dans son sommeil, réduisant à néant mes efforts dantesques pour repousser mon schéma d’organisation mentale visant à optimiser la réalisation du ménage et l’abaissement de la note d’épicerie. Sommeil : 0; organisation du ménage : 1 (Trouble : en forme, mais cernée).
6)Lassée de dévouer nos (courts) week-ends au ménage, j’ai créé un schéma (mental donc) de réalisation hebdomadaire. Samedi dernier, j’ai ainsi pu enfiler mes pantoufles et attraper un livre avec la paresse d’un chat sous valériane. Après 7 années à attraper l’aspirateur de bon matin le samedi, je n’en reviens tout simplement pas.
7)Je regarde présentement pour faire évoluer mes compétences en effectuant ce qu’on appelle ici un certificat (30 crédits). Après 8 ans d’études, j’ai longtemps dit «plus jamais», mais mon changement de carrière il y a trois ans m’a forcé à reconsidérer les choses. Gestion des ressources humaines, gestion de projets, management… les possibilités ne manquent pas, seul le temps (et l’argent) reste un potentiel obstacle. J’avoue avoir peut-être aussi envie de me confronter aux études avec un œil nouveau et une autre maturité, ayant passé l’essentiel de mes études post-bac à attendre d’arriver au bout sans jamais voir l’intérêt des connaissances apprises et du chemin parcouru.
Sur ces 7 points pas nains, je vous laisse. Et vous connaissez la formule : dans l’attente de vos nouvelles, je reste à votre disposition pour de plus amples informations.
Si vous me cherchez, je serais sous mon plaid. Il fait -12 degrés, ressentis – 22, et mes sourcils vont probablement tomber.
Mon titre laisse peu de place au suspens : cela fait six années que j’ai validé mon visa de résidente permanente et traversé la porte automatique de l’aéroport. Ce souvenir vif, encore frais, que je vous ai déjà raconté mille fois, de mon arrivée très chargée, avec mon bébé et mon chien. Mon amoureux, bloqué par l’impossibilité de traverser la porte pour venir m’aider. Et finalement cet agent des douanes, grommelant mais foncièrement gentil, qui avait poussé mon deuxième chariot jusqu’à la fameuse porte.
Notre premier véritable appartement, dans le quartier anglophone de NDG, à Montréal. Et puis notre déménagement sur la Rive-Sud, un an et demi plus tard, alors que j’étais enceinte de notre deuxième fille.
Une thérapeute nous a récemment demandé comment nous nous sentions, à l’époque, à l’aube du grand départ. «Excités», ai-je répondu sans réfléchir. «Oui, enthousiastes», a appuyé mon conjoint. S’il y avait de l’inquiétude, de l’anxiété, de la tristesse, elles se sont dissoutes dans cette envie trépidante de partir vivre cette aventure.
Alors nous voilà, six ans plus tard. L’aventure a laissé la place au réel, au quotidien. Êtes-vous prêts à partir? Installés depuis peu? Peut-être vous êtes-vous déjà demandés comment et où vous seriez, cinq ou six ans plus tard. Notre réalité à nous, je dirais que c’est… :
Une vie recréée entièrement. Quand on quitte son pays, on vend souvent jusqu’à sa dernière petite cuillère. On fait venir quelques essentiels, des choses sentimentales ou particulièrement dispendieuses, mais on se débarrasse de l’utilitaire. On ne connaît jamais ça, dans le cheminement logique (si je puis dire) de la vie. On quitte ses parents, on s’installe, on récupère des choses de ci de là, on emménage avec quelqu’un, on assemble alors les morceaux de nos puzzles respectifs avant de faire quelques achats communs. Quand on immigre, on repart de zéro. Et par zéro, je veux dire : de la toute première cuillère. De cuillère en cuillère, on meuble sa maison, et puis on fait des achats moins utiles, enfermés dans les habitudes de consommation.
De nouvelles contrées à découvrir. C’est un changement complet de paysages et de perpectives que l’on fait en traversant l’Atlantique. Tout semble une aventure, à commencer par le quotidien. Le supermarché à lui seul devient une destination exotique. Bientôt, tout devient pourtant coutumier. Les week-ends et road-trips peuvent alors commencer, dans des régions que l’on n’aurait jamais – ou presque – eu la chance d’explorer.
Une bande d’amis. Entre les amis français, expats comme nous, et les amis parents rencontrés au gré des fêtes de la garderie et du quotidien de l’école, nous avons une solide bande d’amis, autant à Saint-Bruno que dans le reste du Québec. Quand on est immigré, les amis deviennent notre deuxième famille. Ils sont les contacts d’urgence, les gardiens d’un soir, nos week-ends et nos vacances. Ils sont ceux avec qui l’on partage les matins de Noël et les soupers d’anniversaire. Les coutumes familiales se confrontent alors à ce qu’il y a de plus beau : le partage. Et les traditions s’inventent au rythme où les amitiés se mêlent.
Une carrière qui a décollé. Il y a des histoires moins jolies que d’autres et des gens qui repartent faute d’avoir trouvé un travail qui leur correspondait ou une vie qui leur plaisait. Pour ceux qui parviennent à rester, le terme des 6 années reflète généralement une évolution, voire un aboutissement. Pour nous, le Canada a été synonyme de changement de carrière. Aujourd’hui, nous sommes épanouis dans nos domaines respectifs et soulagés de savoir que l’on aurait encore la possibilité d’évoluer.
Une famille. Arrivés avec une première fille, nous en avons eu une deuxième quelques années plus tard. Une petite Franco-Canadienne qui n’a de français que l’accent. Le temps passe, et je réalise que c’est dans cette culture qu’elle s’ancre, faisant fi de ses origines malgré elle. Ses expressions, ses références, ses préférences, reflètent son appartenance.
Un futur. L’avenir, c’est ici que nous le voyons. Nous qui avions tant déménagé avons su trouver ici une place pour nous, au point d’avoir même de la difficulté à m’imaginer dans une autre ville que la mienne. L’instable est devenue sédentaire… ça doit être le bon air canadien qui fait ça.
Et vous, quel bilan tirez-vous de ces six dernières années, où que vous soyez?
La rentrée se profile mais l’été joue les prolongations… avec cette dernière semaine de vacances que nous n’avions pas, et qui se résume à trouver de quoi occuper à nos bureaux respectifs notre fille aînée.
Le camp d’été s’est terminé la semaine dernière. Une aventure en soi, lorsqu’on est un expatrié. C’est un peu comme le centre aéré, mais pas tout à fait. Ça ressemble à la colo, mais pas vraiment non plus. C’est un camp d’été, un point c’est tout.
C’est surtout une institution, dans mon entourage. Tout le monde ou presque est passé par le camp d’été (avec plus ou moins de plaisir), tout le monde, à de rares exceptions, y a été moniteur. C’est la première job, juste après le babysitting. C’est comme du babysitting d’ailleurs, sauf que t’as dix enfants au lieu de 2, une semaine entière à tirer et un nom de code à porter. Oui, un nom d’emprunt, un surnom plutôt. Et c’est un véritable apprentissage parental que de formuler sans sourire la phrase : «Gaufrette, peux-tu me dire comment s’est passée la journée de mon enfant ?».
Lesdits noms – il faut que j’en parle encore, ça a fait mon été – sont parfois en rapport avec le thème du camp, comme Grenouille ou Héron, pour les animateurs du camp Nature, Samourai côté Arts Martiaux, ou Basilic et Ciboulette au camp Cuisine. Et ils collent à la peau de leurs propriétaires. «Tu ne changes pas de nom comme ça, m’a prévenu une amie passée par cette épreuve. Tu ne peux pas faire ça aux enfants, ça ne se fait pas…» Elle a laissé sa phrase en suspens et son regard s’est perdu vers le souvenir douloureux d’un ancien camarade dont on dit qu’il aurait disparu après avoir changé de nom…
Je plaisante. Les enfants ne sont pas si méchants quand même, n’est-ce pas? (Qui a répondu «Si»?). Thème me fait penser que… les camps sont à thèmes. Plus ou moins restreints, selon les organismes, mais volontairement orientés. Dans notre ville, il y avait des sujets vagues, comme le Multiactivités, et d’autres très précis, comme le camp Agility (oui, les petits parcours pour les petits chiens). Il y avait aussi les camps privés, comme celui du Mont-Saint-Bruno, où notre fille a passé une très belle semaine.
De manière générale, on trouve des camps dans tous les domaines, par tous les organismes, qu’ils soient publics ou privés. En vrac, j’avais repéré le camp du Musée des Beaux-Arts, le camp karaté du club que nous fréquentons, le camp immersion anglaise d’un organisme spécialisé dans les cours de langue, le camp Sciences à Polytechnique, etc. Les prix varient en fonction de l’organisme et du matériel utilisé. Certaines inscriptions se font longtemps à l’avance, comme aux Beaux-Arts où tout semblait complet dès le mois de mars.
C’était une première expérience pour nous, comme pour notre fille aînée. J’avais hâte de lui faire découvrir ça, moi qui partais tous les étés en camp équitation et passais toujours quelques semaines au centre aéré de l’entreprise qui employait mes parents. J’en garde un souvenir vif et heureux, et des paroles de chansons que je n’ai jamais pu oublier.
L’expérience a été incertaine pour notre fille, tantôt plaisante, tantôt difficile. Le camp du Mont-Saint-Bruno a eu sa préférence et il est certain que nous la réinscrirons là-bas l’an prochain. Les autres camps qu’elle fera seront à déterminer, et je les liste déjà!
Deux semaines que nous sommes rentrés de France. À tous, je réponds invariablement «c’était bien, on s’est reposés». Je pourrais leur dire la beauté de Toulouse, la nuit. J’aimerais raconter nos silences heureux face aux étoiles, au milieu des volcans. Je vanterais la beauté de la maison familiale, nichée dans la campagne moissagaise. Je tairais mes grasses matinées, le merveilleux massage délivré par des doigts de fée et le vin que nous avons savouré sept soirs par semaine.
Comme par un fait exprès, j’ai vu passer mille photos de France sur les réseaux sociaux. Comme si le tout Montréal immigré s’était rué sur les côtes hexagonales, niant la chaleur caniculaire qui y régnait alors. On s’est senti un peu chez nous, un peu d’ailleurs, on savait qu’on rentrait tous bientôt à la maison, alors on s’est autorisé à profiter. Florilège.
Aller au supermarché
Oh, des yogourts. Yaourts. C’est toi qui as dit yogourt, c’est pas moi. Oh des fromages. Oh du chocolat. Des pâtes feuilletées par milliers enroulées en cercles parfaits. Des desserts, tellement de desserts. À mon arrivée dans le Sud-Ouest, mon père m’a emmené au supermarché. Erreur monumentale. Il m’a perdue dix fois et retrouvée la bouche en cœur, enamourée devant des crêpes Marie au rayon des surgelés, l’enfant petit dansant la sarabande debout dans le caddy, armé de paquets de Choco et de kiris suremballés.
Manger du fromage
Beau-Papa habite le Cantal. Le fromage y est conservé jalousement sous une cloche en grillage, dans un recoin frais de la cuisine. Ne parlez pas de frigo, chut, le fromage ça ne se conserve pas au frigo. Mes petites loutres canadiennes ont ainsi découvert les saveurs ancestrales du Cantal vieilli, et du Saint-Nectaire fermier de la ferme à côté. Nos tablées, ce sont celles des fromages entiers et des plateaux sans fin. On n’a plus faim, mais on se garde une petite place, l’air de rien. Et de petite place en petite place, vous je ne sais pas, mais moi j’ai pris deux kilos.
Stocker des médicaments
Il y a toujours ces petites choses qu’on ne trouve pas ailleurs, ou trop chères. Le spasfon est ici inexistant, les granules homéopathiques se vendent à prix d’or, le shampooing de marque française que l’on affectionne fait le double du prix, taxes non incluses. C’est moins affaire de choix que d’habitude. 25 ans passées dans une contrée créent certaines accoutumances dont il est parfois difficile de se défaire, même après 6 ans. Alors on remplit nos valises et on stocke nos produits préférés, jusqu’à la prochaine livraison.
Acheter des vêtements
C’est là aussi question d’habitude, ou de mode française probablement. Après tout, les stars québécoises portent du Sézane pour des frais de livraison qui valent à eux seuls le tiers du produit, alors quand on a la chance d’y faire un tour dans la boutique pignon sur rue… J’ai renfloué ma garde à robe, vieille de plusieurs années, de quelques pièces de la Fée Maraboutée, et ça m’a donné un petit élan supplémentaire pour l’automne.
Ramener des bouquins
Je n’aime les livres qu’en poche, et il n’est pas rare que j’attende la sortie d’un livre dans ce format plutôt que de me précipiter à la sortie initiale. J’ai avidement parcouru les libraires (indépendantes, on ne se refait pas), j’ai échangé des livres rapportés dans ma valise contre les coups de cœur familiaux, avec la promesse de les rendre bientôt, et j’ai même fait voyager un livre (un Marc Levy, qui l’aurait cru) découvert dans une boite à livres du parc au coin de chez nous, dans laquelle il sera bientôt de retour.
Profiter de ses proches
Tout commence un peu par ça finalement. Du premier pas à l’aéroport au dernier, avant le passage de sécurité. Ce sont des embrassades, des «ça fait longtemps», du temps rattrapé, des conversations reprises comme si c’était hier, des souvenirs échangés, des petits derniers à présenter, des cadeaux ramenés, des mises à jour famille/santé/boulot (et d’innombrables «attends, rappelle-moi, tu fais quoi déjà?»), des photos que l’on regarde avec plus d’attention, des neveux qu’on n’a pas vu vraiment grandir, des villes qui changent peu et des rides qui se creusent. On part en se disant que c’est loin, on atterrit en se disant que c’est tout proche. On prévoit les prochains voyages, on lance en l’air les promesses de futures retrouvailles, et on quitte le cœur un peu lourd ce lieu sacré de notre enfance … le rayon desserts du supermarché.