Ghomeshi : une justice mal fichue?

Affaire Ghomeshi./ Photo CBC

Affaire Ghomeshi./ Photo CBC

L’affaire Ghomeshi. Si vous êtes au Canada, vous ne pouvez pas avoir loupé l’info. Si vous êtes ailleurs, en revanche… Jian Ghomeshi, c’est un animateur de radio de Toronto. Il y a quelque temps, il a été accusé d’agressions sexuelles. Avec un S, comme dans plusieurs. Les victimes de l’affaire, ce sont trois femmes. Trois femmes avec qui Ghomeshi avait eu des relations.

Les faits et la manière dont ils ont été défaits (je m’appuie sur La Presse):

La première plaignante a expliqué que Ghomeshi et elle s’embrassaient dans la voiture lorsque l’animateur lui a soudainement tiré les cheveux. Une autre fois, il a agi de même et l’aurait ensuite frappée à la tête. Le contre-interrogatoire de la Défense a révélé qu’elle avait ensuite envoyé des courriels à l’accusé en lui demandant de la contacter. Elle avait joint une photo d’elle en bikini. Au procès, elle a expliqué que lorsqu’elle a porté plainte auprès de la police, elle ne se souvenait plus avoir écrit ces courriels (les faits remontent à 2003).

La deuxième plaignante, qui est une actrice, a souligné que Ghomeshi et elle s’embrassaient dans la chambre de l’animateur quand il l’a poussée contre le mur, l’a frappée au visage et aurait tenté ensuite de l’étrangler. Au procès, elle a admis avoir couché de nouveau avec lui quelques jours plus tard et avoir écrit une lettre (qui a été produite au procès) qu’elle terminait par les mots « J’adore tes mains ».

La troisième plaignante  a raconté pour sa part qu’ils s’embrassaient sur un banc dans un parc lorsqu’il l’a mordu à l’épaule et a commencé à lui serrer la gorge avec ses mains. Lorsqu’elle a porté plainte, elle a volontairement omis (elle l’a reconnu au procès) de parler du fait qu’elle avait de nouveau couché avec Ghomeshi après l’agression qu’elle invoquait. L’avocate de Gomeshi a également révélé que les deux dernières plaignantes avaient échangé nombre de messages au sujet de l’affaire, de leurs dépositions et de l’accusé.

Il a tout du gendre idéal n’est-ce pas?

 

Ghomeshi a été relaxé et le web s’est enflammé.

 

Les affaires juridiques, c’est ma partie. Et croyez-le ou non, la vision entre les internautes et les juristes étaient bien différentes hier. Les Canadiens et surtout Canadiennes ont déploré le fait qu’on laisse ainsi un violeur en liberté. Pauvres victimes, écrivaient plusieurs. « Elles ont eu le courage de dénoncer et le violeur repart libre ». Certains hashtag ont vu le jour. De tous, #rapeinpeace est certainement le plus cynique. Partout, on s’interroge : « Les victimes auront-elles le courage de dénoncer encore? » Une professeure de droit de Toronto déplore ainsi le poids de la preuve qui pèse sur les plaignantes : « On envoie le message que, si ton comportement n’est pas irréprochable avant, pendant ou après, ce n’est même pas la peine de porter plainte!»

Du côté des criminalistes, tous ont donné, avec plus ou moins d’emphase, le même discours. Ils étaient convaincus que Ghomeshi serait relaxé car, du point de vue du droit, il ne pouvait être condamné « hors de tout doute raisonnable ». Le juge n’a pas eu d’autres choix que de relaxer l’accusé car les dissimulations des plaignantes l’empêchaient de pouvoir trancher hors de tout doute raisonnable. Il y avait des messages qui avaient été dissimulés, des appels qui n’avaient pas été évoqués. L’une des victimes a ainsi caché à la police avoir revu Ghomeshi après la relation qu’elle a qualifié d’agression. Toutes, au moment de l’enquête, avaient pourtant assuré ne pas l’avoir recontacté car elles étaient traumatisées. Toutes ont repris contact. Mentir, c’est se parjurer.

Ce ne sont pas les seules femmes qui ont trouvé que Ghomeshi avait un comportement particulier. Une productrice de la radio Q s’est ainsi plainte que l’animateur l’avait harcelée et avait miné son sentiment de sécurité. En 2012, des étudiantes se voient conseiller d’éviter de faire un stage dans cette radio au motif que l’un des animateurs a des comportements inappropriées avec les jeunes femmes stagiaires. En tout, 15 femmes et un homme ont approché les médias pour témoigner d’abus de la part de l’animateur.

(Là tu te dis… « Putain, le mec… »)

Gomeshi est-il un homme violent? Probablement. Les faits ne sont pas vraiment niés et une cohérence existe à ce sujet entre les témoignages des plaignantes. Gomeshi a lui-même admis qu’il aimait les relations sexuelles brutales. Ces femmes étaient-elles sous sa coupe? Est-il un manipulateur ou un pervers narcissique ? Ont-elles accepté des relations dont elles n’avaient pas envie dans le seul but de lui faire plaisir ou de ne pas avoir à lui dire non? Je pense. Et elles ne sont pas les premières. Et elles ne sont pas les seules. L’humain est capable du pire pour plaire ou par amour. Y compris de prendre des coups. Y compris de se mettre plus bas que terre.

La question se pose : jusqu’où y a-t-il eu consentement ? Il est toujours difficile de prouver, dans un tel procès, que le oui s’est transformé en non en cours de route, et que l’agresseur n’a pas su l’entendre ou n’en a pas tenu compte. En revanche, ce qui peut donner des indications, c’est la nature de la relation ensuite. La victime a-t-elle évité ensuite ledit agresseur? Se sont-ils revus? Ont-ils échangé des messages? De quelle nature? Et qui en a eu l’initiative? Les spécialistes des violences faites aux femmes disent que ce n’est pas la question, que ce n’est pas parce qu’on reprend contact ou qu’on a de nouveau une relation avec ledit agresseur qu’il n’y a pas eu pour autant agression avant ça. Je comprends leur point de vue, j’imagine qu’on évoque ici le poids de la manipulation, le complexe de l’attachement qu’on peut porter à un agresseur, etc. Et je crois volontiers que l’agression n’a pas un visage, mais mille. Et autant de façons de la vivre. Malgré tout, c’est perturbant. Et bien sûr que face à la Cour, ça entache l’histoire et ça sème le doute.

Les gens ont peur aujourd’hui, après la vague des (#) agressions non dénoncées que l’affaire Ghomeshi avait déclenchée, que les victimes se taisent de nouveau. Pourquoi parler si on n’est pas écouté ? Mais le fardeau de la preuve relève de l’accusation et pour être entendues, les victimes doivent pouvoir prouver. Prouver l’agression, ce qui n’est pas toujours possible. Mais surtout prouver leur préjudice. Ce travail repose sur l’enquête. Et c’est peut-être là que le bât a blessé. Les preuves étaient-elles suffisamment solides ? Les témoignages étaient-ils suffisamment crédibles ? L’enquête a-t-elle été une prise de partie plutôt qu’un travail éclairé ? L’appel à ceux qui avaient pu subir la même chose de la part de l’accusé a-t-il conduit à une chasse aux sorcières ? Car le juge Hopkins a été clair sur ce point : relaxer l’accusé ne signifie pas que les faits n’ont pas eu lieu mais que la parole des plaignantes n’était pas suffisamment crédible eut égard aux mensonges sur lesquels la Défense a fait la lumière.

Reste que le public crie au scandale, au mauvais jugement. Mais même pour les organismes de défense et les spécialistes des agressions sexuelles, le juge n’est pas en cause. Le droit ne lui permettait pas de rendre un autre jugement. L’homme en question est un pourri ? Jusqu’à la moelle, probablement. Mais la justice qui s’applique doit être la même pour tous. Les spécialistes en sont convaincus : cela montre les incohérences du système judiciaire dans le traitement des agressions sexuelles. Jusqu’où va le consentement ? Qu’est-ce qu’être victime ? Comment doit-on mener l’enquête ? Les victimes doivent être entendues, écoutées, protégées. Mais elles n’ont pas toute puissance. La justice est aussi là pour empêcher des condamnations à tort.

Cet homme-ci n’inspire pas la pitié, c’est le moins que l’on puisse dire. Mais cessons un instant de penser à lui et imaginons-en d’autres. Que penser des dérapages ? Des accusations dans une cour d’école qui finissent devant un tribunal à cause d’un adulte trop bien intentionné qui a entendu dans les mots d’une adolescente la vérité absolue ? Vous avez peur pour vos filles, peur qu’un jour elles soient agressées et ne soient pas écoutées ? Peur qu’elles n’obtiennent pas justice ? Je vous comprends. Des filles j’en ai deux. Moi aussi ces peurs je les ai et ces questions je me les pose. Mais vous êtes-vous déjà demandé ce que vous feriez, pris dans l’étau de l’accusation avec votre enfant, votre fils par exemple, devant faire face à des actes qu’il n’a pas commis ? Il n’y a pas qu’une seule vérité, pas qu’une seule personne impliquée, pas juste du blanc et du noir. Il y a de la demi-teinte, des allégations en gris majeur.

Ce dont on est sûr désormais, c’est que la justice doit évoluer, les enquêtes être différemment menées et les victimes écoutées.

Et que Ghomeshi, lui, sera de nouveau devant la justice, en juin cette fois, pour une autre accusation d’agression sexuelle.

Et vous, qu’en pensez-vous?

-Lexie Swing-

 

PS Voici un édito très intéressant sur le sujet dans la Presse :  Par Yves Boisvert

Immigration au Canada : ce qu’on n’avait pas imaginé

DSC_0680

En voyage aux USA, tout près./ Photo DR Lexie Swing

Immigrer, c’est se préparer à une autre culture, à un autre mode de vie. Parfois très différent, comme dans le cas de H. à Dakar. Mais malgré toute la préparation psychologique possible, il y a des choses auxquelles on ne s’attend pas, des détails qui nous ont échappés. En immigrant au Canada, je n’avais pas pensé à:

La neige. Je connais la neige. J’allais souvent au ski enfant. Et puis entre Clermont-Ferrand et Saint-Etienne, à l’approche des bois noirs, elle est souvent très présente au coeur de l’hiver. Je connais la neige. On l’attend, on trépigne, elle tombe, on court dedans. Et puis le lendemain on se lève et elle a fondu. Ma réalité canadienne : s’il arrive que la neige de décembre fonde avec un retour ponctuel de la chaleur aux alentours de Noël, la neige de janvier, elle, tient bien. Elle n’est pas juste en montagne, pas juste en campagne. Elle tombe, elle reste, et elle est partout. C’est comme être en station pendant trois mois, chaussé de ses moon-boots et de son blouson de ski. D’ailleurs il n’est pas rare que le forfait pendouille de la poche de poitrine. Personnellement, j’adore (le couic-couic de la neige sous les pieds, vous vous souvenez?).

Le médecin. En France, quand je suis malade, j’appelle Patrick (Patrick, c’est mon médecin) et il me dit de passer dans la journée. Au pire, si c’est la 151e cystite de l’année, il laisse l’ordonnance sur la tablette à l’entrée. Et si c’est dimanche, le médecin d’astreinte au système de répartition de mon département envoie directement l’ordonnance à la pharmacie de garde. Ma réalité canadienne : Nous avons eu la chance de trouver un médecin de famille (un médecin traitant) et c’est presque mission impossible. Quand je suis malade je passe au sans rendez-vous le matin et on m’indique à quelle heure je vais pouvoir revenir. Ou bien j’y vais avec mon ordinateur et je travaille de là-bas. Quand les filles sont malades, j’attends d’être bien bien sûre que ça ne va pas passer tout seul, je ne m’amuse pas à aller voir leur pédiatre juste pour le plaisir de faire « constater » leur nouveau rhume. Si je veux voir mon médecin de famille, c’est rdv le mois prochain. Pour l’angine on repassera, par contre pour le suivi c’est bien. Vivre au Canada apprend donc à relativiser ses menus problèmes et éviter de plomber le système de santé en toquant chez le médecin à la moindre interférence gastrique. Ce n’est pas forcément toujours un système rassurant, c’est certain. Mais au moins il responsabilise.

Le maudit Français. En France, on se critique beaucoup entre Français. On dit que les autres Français sont intolérants, râleurs, on a un peu honte en voyage quand on voit un Français faire une crise à la réception d’un hôtel. Mais quand il est question d’unité nationale on répond présents. Parce qu’il s’agit de notre pays, de nos origines. Ensuite on se remet à critiquer. Ma réalité canadienne : il y a deux types majeurs de Français immigrants au Canada, celui qui vient vivre à l’étranger et celui qui vient en France. Oui vous avez bien lu. Certains de nos compatriotes arrivent au Canada en pensant arriver en France. Après tout on parle français, on mange des patates et surtout il y a fuuuull de Français dans certains coins de la Province. Ils ne sont pas prêts pantoute à découvrir que le Québec, ce n’est pas la France. Ils déplorent l’usage des mots, trouvent la grammaire fantaisiste, et les relations entre humains difficiles. Faque, ils font ce que tout bon Français de souche fait dans une telle situation : ils critiquent. Ouvertement. Ça ne plaît pas aux Québécois, qui se font soupçonneux lorsqu’ils nous voient débarquer avec nos Pajar hors de prix et notre accent pointilleux. Alors même si tu arrives la fleur au fusil avec ton drapeau blanc et ta volonté de t’intégrer, tu tomberas toujours sur des Québécois pas ravis du tout de te voir là. Juste parce que tu es Français? Juste parce que tu es Français… Vois-tu comme, en France, les Marocains intégrés ou tentant de l’être paient pour le seul Marocain qui a décidé que la France, c’était correct de la considérer comme le Maroc vu qu’on y parle français de même et que toute la gang du bled est déjà là et qu’il peut donc ruer dans les brancards et faire des pieds de nez aux règles et lois françaises ? Et ben c’est pareil. Il arrive que tu doives ramer grave pour te faire accepter, et pour certains tu resteras toujours le petit Français avec ton pain blanc, ton béret et tes critiques malvenues sur la grammaire malmenée.

La carte de crédit. En France, j’avais une carte de crédit. Depuis mes 16 ans. 16 ans, t’imagines? J’avais un découvert autorisé, et passé ce découvert je ne pouvais plus utiliser un cent de plus. Même si je me retrouvais en rade au sommet de l’Himalaya avec comme seule issue un pot-de-vin à refiler au chef des sherpas. Lorsque je l’utilisais, ça faisait baisser le solde de mon compte immédiatement. Et lorsque je voulais retirer de l’argent au distributeur, j’utilisais cette même carte. Ma réalité canadienne : Ma mère, dont la finance est le métier, m’avait expliqué que ce n’était pas pareil sur le continent nord-américain. Là-bas on avait des cartes de CREDIT. Ouais mais moi aussi j’avais une carte de crédit, et puis quoi? Et puis elle avait raison. Lorsque nous sommes arrivés au Québec, nous avons ouvert un compte et reçu en retour une carte de débit et une carte de crédit avec un plafond de 1000 dollars. Lorsque nous retirons de l’argent, nous utilisons la carte de débit. Nous pouvons également payer avec la carte de débit mais l’achat est prélevé immédiatement sur notre compte. La plupart du temps, nous utilisons la carte de crédit. Visa, Mastercard, même chose que partout. Ce crédit, il faut le rembourser. Chaque semaine, nous évaluons les dépenses réalisées avec la carte de crédit et versons la somme correspondante depuis notre compte pour rembourser le solde. Au fur et à mesure du temps passé au Québec, l’organisme de crédit propose d’augmenter la limite autorisée. Vous pouvez donc avoir droit à, disons, 10 000 dollars. Et là ça peut poser problème. 10 000 dollars, c’est idéal quand on veut payer des billets d’avions pour aller au bout du monde. Mais il faut les rembourser, et vite si possible, sous peine de devoir payer des frais importants. Beaucoup de magasins proposent leur propre système de crédit. Et c’est dans la culture du pays que de passer par ces crédits pour s’offrir des choses. Télévisions à crédit, ordinateurs à crédit, plancher et peinture à crédit, etc. Comme ce n’est pas dans notre culture d’origine de tout acheter à crédit, les Français s’en sortent plutôt bien dans ce système, évitant d’acheter des choses qu’ils savent ne pas pouvoir rembourser immédiatement. Mais qu’importe les origines, tout le monde peut-être envouté par la poule aux oeufs d’or. Et se retrouver englouti dans une spirale infernale de surendettement. Sans un organisme comme la CAF pour venir en aide.

Les mots. En France, on comprend globalement quand les autres nous parlent. Même les patois régionaux laissent la place au français universel de France la plupart du temps. Bien sûr, certaines expressions surprennent parfois. Comme quand je dis « boseigne » à quelqu’un qui ne va pas bien, ou qu’on parle d’aller à la vogue. Mais, en voyant le visage de l’interlocuteur, on se reprend vite car on a conscience d’utiliser un mot de patois. Ma réalité canadienne : Le français du Québec ne ressemble pas vraiment au français de France. Et ce n’est pas du patois, c’est la langue de la province (j’insiste là-dessus). La structure de la phrase est la même, ils se ressemblent pas mal à l’écrit mais à l’oral c’est une autre affaire. Outre le fait que je ne comprenais pas du tout lorsqu’on me parlait au départ, il y a encore aujourd’hui des mots qui me manquent. Quand je fais une recherche pour un produit en particulier dans google, il m’arrive de le taper en anglais, faute de trouver la correspondance en français du Québec. Les articles de puériculture en sont un bon exemple : sac à couches (le sac où on met les affaires de bébé), bassinette (berceau), bas (chaussettes), mitaines (gants, avec des doigts), formule (lait infantile), drap contour (drap housse), etc. Maintenant j’ai deux fois plus de façons de dire les choses, et ça me plaît beaucoup (et je peux faire tourner en bourrique mes amis en France). Il y a aussi des utilisations auxquelles on ne se fait pas, comme pour moi « bouffe » et « cochon ». Bouffe est vraiment usuel. Il désigne la nourriture, mais pas vraiment au sens familier du terme. Il est utilisé dans les publicités, ou pour désigner le « food-court » (l’endroit où on peut trouver à manger) dans un centre commercial par exemple. Et quand on dit qu’un plat est cochon, c’est pour signifier qu’il était bon et copieux. « C’est cochon » entendrez-vous parfois s’exclamer votre ami au restaurant. C’est drôle, et ça me déconcerte toujours!

Les mains tendues. En France, même si la solidarité existe, on pratique pas mal le chacun pour soi. File d’attente, places assises, jour de tempête… C’est souvent d’abord pour soi et ensuite pour les autres. Le métro arrive, je dégomme Mamie Gertrude sur les rails et je m’engouffre dans la rame. Tant pis pour la blonde chargée comme une mule avec ses deux marmots, elle n’avait qu’à pas en pondre deux à la fois. Non mais. Ma réalité canadienne : j’en ai souvent parlé, c’est mon sujet préféré, mais ici il y a une vraie culture de la main tendue. Je suis trop chargée avec bébé Swing à la garderie? Un autre parent m’habille ma grande fille. Je suis trop chargée avec bébé Swing à l’épicerie? Un employé emballe mes courses et les met dans ma voiture. Je suis trop chargée avec bébé Swing dans le bus ou le métro? Deux personnes, un homme ou une femme, parfois un préado (mais un vieux non, les vieux sont partout les mêmes) jaillissent de leur siège pour que je m’assoie. Je suis trop chargée – et trempée – sous la pluie avec bébé Swing? Une famille en voiture s’arrête pour me demander si j’habite loin et si j’ai besoin d’un lift (être ramenée chez moi). Personne ne se dit que je n’ai que ce que je mérite, et que je n’avais qu’à pas pondre ma marmotte dans un pays où il faut – 25 l’hiver. Les gens sont aidants. Les gens sont gentils. Et même je dirais : les gens ne se posent pas la question. Il m’a suffi de voir des adolescentes me proposer leur assistance chaque jour lorsque je prenais le métro à côté d’un lycée de filles pour savoir que c’était dans la culture, dans l’éducation. Qu’importe qu’elles soient premières de la classe, polies et assidues ou jemenfoutistes et rebelles; j’avais l’air d’avoir besoin d’aide, elles me proposaient donc leur aide. C’est tout.

C’est tout, et c’est beau aussi. Et c’est pour ça que c’est le pays où j’ai choisi… de rester.

-Lexie Swing-

 

Sur les pas d’Agatha

L'exposition A. Christie./ Affiche Pointe-à-Callière museum

L’exposition A. Christie./ Affiche Pointe-à-Callière museum

Agatha, c’est l’un des auteurs que j’ai le plus lus. Chaque semaine, je retire l’un de ses ouvrages de la bibliothèque, religieusement. Parfois, c’est une relecture. Je ne me souviens pas du titre mais réalise qui est le coupable à mi-parcours. Et le plaisir n’en est pas moins présent.

Découvrir qui elle était et d’où elle tenait son inspiration était forcément un de mes vœux. Alors quand ses photos, ses objets personnels et ses bons mots ont pris possession de la salle des expositions temporaires du musée de Pointe-à-Callière, j’ai aussitôt trépigné pour y aller.

Au commencement, ce sont des photos de bébés, des photos d’enfants, des premiers livres, des premiers sourires. Et puis au fil de nos pas, Agatha prend son envol. Bientôt elle est majeure, elle épouse la vie et un aviateur, sa sœur lui lance le défi d’écrire un premier roman policier. Et la plume prend son essor. On parcourt sa vie au rythme de ses publications, retrouvant ses inspirations dans ses rencontres et surtout ses voyages.

Pourquoi y aller ?

– Pour savoir qui était Éric.

– Parce que l’on découvre tout autant l’aspect professionnel de sa vie – ses livres – que personnel, grâce à une biographie dûment nourrie par l’auteure elle-même.

– Pour les photos qu’elle a prises elle-même dans la deuxième partie de sa vie, avec un œil exercé et un intérêt certain pour les gens, qu’importe leur catégorie sociale.

– Pour comprendre d’où lui sont venues certaines de ses idées.

– Pour profiter d’une exposition conséquente et passionnante.

L’exposition Agatha Christie de Pointe-à-Callière est à l’image de ce que propose habituellement le musée : riche, fournie, intelligemment orchestrée. Qu’on soit un lecteur averti de cette auteure ou qu’on la découvre tout juste, l’exposition reste particulièrement intéressante. Un incontournable donc, à découvrir jusqu’au 17 avril.

– Lexie Swing –

Les aléas de l’habillage d’hiver

Quand E. voyage incognito./ Photo DR Lexie Swing

Quand E. voyage incognito./ Photo DR Lexie Swing

C’est beau l’hiver. C’est même féérique. Si vous étiez avec moi ce matin, à déguster un café en grains pas très bon parce que j’ai la flemme de courir à Montréal en racheter, nous nous installerions devant la fenêtre tels deux petits vieux pour regarder la neige tomber. Elle est lourde, épaisse, immaculée, et scintillante dans le jour déjà levé. J’adore la neige. Ça fait couic couic sous les pieds quand on marche, et dans ma petite ville de la rive-sud recouverte de son manteau blanc, j’ai l’impression perpétuelle d’être en vacances aux sports d’hiver, comme on disait avant. Mon âme d’enfant embrasse pleinement toute cette neige. Mon âme de mère, en revanche…

Au Québec, les températures avoisinent volontiers les -15 – 20 l’hiver. Parfois beaucoup moins bien sûr – les fameux pics à -40, et parfois plus. Après tout, le 24 décembre, il faisait 14 degrés. Mais disons que -15, c’est une température avec laquelle nous avons l’habitude de composer. Les habits sont faits en fonction, particulièrement les habits d’enfants, qui ont le chic pour tomber tous les trois mètres (enfin pas tous les enfants, mais la mienne oui) et faire l’ange au milieu du jardin. Les habits sont chauds. Les habits sont étanches. Les habits sont une horreur à mettre. Une crise de nerfs matinale. A vous faire regretter l’été et ses robes-sandales. Jugez plutôt du déroulé :

  • Il est 8h20. Vous devez être à la garderie à 8h30. Vous avez sept minutes de marche. Donc trois pour vous préparer. Vous êtes en retard avant même d’avoir commencé.
  • Vous posez le bébé dans son transat.
  • Vous enfilez son manteau au toddler. Puis ses mitaines (ses gants). Puis sa tuque (son bonnet).
  • Il enlève ses gants au motif qu’ils n’étaient « pas bien mis ».
  • Vous remettez les mitaines.
  • Vous vous rendez compte que vous n’avez pas mis le pantalon de neige. Celui avec les bretelles qui passent sur les épaules.
  • Vous enlevez le manteau du toddler. Il jette ses mitaines par terre. Et sa tuque, parce que « je veux pas de la tuque sans le manteau, c’est moche ».
  • Le bébé pleurniche. Vous lui remettez sa sucette.
  • Vous mettez une jambe dans le pantalon. L’autre. Vous remontez le tout. Le toddler crie parce que le chandail est remonté à mi-dos. Vous poussez avec les doigts pour faire glisser le chandail. Vous malmenez un peu les bras pour les faire passer dans les bretelles. Vous accrochez le tout. Vous voulez mettre le manteau. Mais le toddler veut d’abord mettre les bottes parce que le pantalon sans les bottes, « ça va pas ».
  • Vous mettez les bottes (et rattrapez l’enfant avant qu’il tombe à la renverse). Vous mettez le manteau. Vous mettez la tuque et les mitaines.
  • Vous enfilez votre manteau et votre tuque. Vous attachez le porte bébé.
  • Le bébé crache la suce sur le plancher, directement dans la neige souillée qu’il y avait sous les bottes.
  • Vous partez nettoyer la sucette sous l’eau (et bénissez les anciens proprios d’avoir fait construire une sdb au sous-sol).
  • Quand vous revenez, le toddler a jeté ses mitaines par terre une nouvelle fois. Vous vous acharnez à les lui remettre. Le pouce ne rentre pas. Puis il crie « par dessous par dessous », parce qu’il ne veut pas que les mitaines recouvrent son manteau. Vous les mettez dessous. Il ne veut pas « dessous comme ça », il veut « dessous avec l’élastique noir par dessus ». Vous allez chercher ledit élastique noir dans la manche (la protection pour la neige), vous le mettez par-dessus le gant, puis passez le reste de la manche sur le tout. Vous serrez l’attache au poignet. C’est trop serré. L’enfant veut le faire lui-même. Mais il a des moufles et il n’y arrive pas. Il essaye d’enlever ses moufles. Vous menacez. Il boude et se jette à plat ventre par terre.
  • Vous attrapez le poupon, le glissez dans sa combinaison. Il fait 40 degrés dans votre manteau. Le bébé ne coopère pas d’un poil et tient ses bras serrés sur sa poitrine. Vous arrachez un bras pour le glisser dans la manche. Il hurle comme un petit cochon. Vous enfilez la cagoule. Arnachez le bébé. Suez pour attacher le porte bébé entre les omoplates.
  • Vous ramassez l’enfant. Le bébé hurle de se retrouver la tête en bas. Vous parvenez à enfiler vos bottes sans défaire les lacets. Vous vous rendez compte que vous n’avez pas mis de moufles au bébé sous sa combinaison. Renoncez à l’idée de le défaire et partez à la garderie les coudes serrés le long du corps, pour garder au chaud les mains du bébé glissées dessous (il y a a combinaison par dessus quand meme hein, mais par -20 une paire de moufles supplémentaire n’est pas superflue).

Ouf. Je suis épuisée rien que de l’écrire. Bien sûr il y a des jours où Miss Swing est à la fois autonome et coopérative. Elle enfile ses affaires seule, aide à attacher le porte-bébé, me rappelle que j’ai oublié de mettre les moufles, etc. Il y a des matins, beaucoup d’ailleurs, où la petite mandarine rigole tout le long, en jouant avec sa sucette. Et puis il y a aussi d’autres jours, où il faut remettre les moufles dix fois, où les nez n’arrêtent pas de couler, où je me souviens que j’ai laissé le chèque pour la garderie dans la cuisine à l’étage alors que j’ai déjà mes bottes. Il y a l’arrivée à la garderie aussi, toujours périlleuse. Il faut aider Miss Swing à se déshabiller sans trop balloter sa soeur dans le porte-bébé, puis enlever ses propres bottes souillées pour se rendre au local des 3 ans.

J’aime la neige. J’adore même. Mais j’avoue, je gagne chaque jour en admiration pour ces éducatrices qui doivent chaque jour habiller des dizaines d’enfants. Patiemment. En sachant que pour 30 minutes de préparation, ils passeront à peine 15 minutes dehors.

« Oui mais avec Miss Swing c’est facile, elle fait tout toute seule, elle est parfaitement autonome », nous a dit récemment l’éducatrice. Ah…

-Lexie Swing-

On a adopté Culiniste

Miss Swing aux commandes./ Photo DR Lexie Swing

Miss Swing aux commandes./ Photo DR Lexie Swing

Culiniste, c’est le gars qui te prépare ton épicerie et te dit quoi en faire. En gros. Sauf qu’ils sont probablement plusieurs gars. Et filles. Et que c’est un peu plus fancy que ça.

Il y a quelques mois, mes blogs québécois préférés se relayaient pour annoncer la bonne nouvelle : une nouvelle tendance venait de voir le jour, celle de proposer à messieurs-dames tout le monde de devenir d’excellents cuisiniers d’un jour, à domicile, dans sa propre cuisine. Grâce à mon amie A., j’ai bénéficié d’une offre pour tester l’un d’entre eux : Culiniste. J’aurais pu vous en parler d’entrée de jeu. Donner ma première impression. J’ai voulu faire un peu plus que ça : vous annoncer que ça y’est, nous étions conquis! Car nous avons déjà commandé de nouveau, par deux fois. C’est une preuve non?

Comment ça marche?

Carton, ouvre toi!/ Photo DR Lexie Swing

Carton, ouvre toi!/ Photo DR Lexie Swing

Culiniste, pour notre famille, c’est trois repas pour deux-trois personnes par semaine, pour 59 dollars. La livraison se fait le mardi, directement sur notre perron. Les aliments sont emballés par recette, avec un sac particulier pour les viandes et poissons, dans un grand carton réfrigéré prévu pour conserver ainsi les produits pendant 24h. Ceci dit, avec le temps qu’il fait depuis lundi, un trou dans le jardin aurait suffi.

Chaque semaine, avant le mercredi, un choix de six recettes est proposé sur le site. Trois sont présélectionnées, en fonction du profil que vous aurez enregistré au moment de votre inscription (viande, poisson, végétarien, envie de tester des recettes exotiques, etc.). Mais vous pouvez les changer comme bon vous semble.

Attention, il faut penser à « sauter la semaine » si vous ne souhaitez pas en bénéficier, sinon vous serez prélevés et recevrez les trois repas présélectionnés.

Chacune des recettes est présentée sur une fiche de papier cartonné, avec les étapes à suivre et des photos pour les accompagner. Il n’y a plus qu’à retrousser ses manches et à s’y mettre.

Saumon grillé, nouilles ramen et soupe miso./ Photo DR Lexie Swing

Saumon grillé, nouilles ramen et soupe miso./ Photo DR Lexie Swing

Est-ce que c’est cool?

C’est awesome! Si le carton arrive suffisamment tôt le mardi, on remonte nos manches et c’est parti! Miss Swing sort méticuleusement chaque ingrédient tandis que son père et moi découpons. Elle a le droit de mélanger et d’ajouter les épices. Une vraie team!

On aime particulièrement le fait que chaque ingrédient soit dans une quantité précise, tout comme les épices ou encore les crèmes. Aucune perte! Autre point intéressant : on a pu tester quelques recettes d’ailleurs, qui nécessitent des ingrédients que l’on trouve parfois difficilement. Pas de gros sac d’épices que l’on ne réutilisera pas, pas de temps perdu à arpenter Montréal à la recherche de l’ingrédient magique : il est dans le carton, dans son mini-sac, pesé au gramme près.

Depuis qu’on utilise Culiniste, je me rends compte que notre façon de cuisinier a un peu évolué. On pense au fond de viande pour faire une sauce, on réutilise la même poêle entre nos préparations pour un même plat, on met plus d’échalotes et d’oignons, et aussi plus de moutarde. On a découvert des aliments, ou de nouvelles façons de les préparer, et on refait maintenant certaines des recettes qui nous ont vraiment plu.

Des points négatifs?

Il n’est pas noté l’origine des produits sur les contenants. Je voulais leur poser la question mais j’oublie à chaque fois. Est-ce de la viande issue de l’élevage du coin ou est-elle importée d’ailleurs? J’avoue que j’aimerais savoir. En tout cas, les produits sont frais.

Autre petit défaut : selon le secteur où l’on se trouve, le livreur (mais cela ne dépend pas de Culiniste en vérité) ne peut passer qu’en toute fin d’après-midi. Pas facile de préparer une des recettes le soir même lorsque le carton est livré à 18h30.

Le principe du site fait que, si l’on oublie de « sauter la semaine », il n’est plus possible de faire marche arrière et les recettes sont alors livrées, et notre compte débité. Parfois, cela tombe bien. D’autres fois, les recettes qui débarquent ainsi ne sont pas du tout à notre palais et tendent à nous dégoûter un peu du système (mais c’est le jeu ma pauvre Lucette!).

Dans l’ensemble, sur trois commandes, nous avons été conquis! A tester donc

-Lexie Swing-

La Saint B.

 

Bonne fête./ Photo Rendezvousenfrançais

Bonne fête./ Photo Rendezvousenfrançais

En janvier, nous fêtons la Saint B. Nous disons donc « bonne fête », à ne pas confondre avec le « bonne fête » québécois, qui correspond au « joyeux anniversaire » français. L’occasion de vivre quelques quiproquos. Avec la concernée, déjà :

« Ce sera l’anniversaire de Talou (sa grand-mère).

– Elle aura des cadeaux?

– Oui.

– J’aurais des cadeaux?

– En fait oui, parce que ce jour-là c’est aussi ta fête. Enfin pas ta fête « ta fête ». Ta fête parce qu’on célèbre les B. ce jour-là.

– Ah… Je vais souffler des bougies?

– Non parce que ce n’est pas ton anniversaire, c’est ta fête. La Saint B. A la Saint B. on ne souffle pas de bougies.

– Mais pour ma fête je pourrais?

J’ai cherché un peu, et je n’ai pas l’impression que les saints soient fêtés au Québec, peut-être à cause du rejet de l’Eglise depuis la Révolution Tranquille des années 60. Sans doute aussi à cause de la grande diversité culturelle et religieuse du pays, et de la Province en particulier. La Saint B. entraîne alors quelques questionnements. Comme auprès des éducatrices…

« Elle risque de parler de sa fête aujourd’hui…

– Ah bon? (Jetant un oeil au calendrier des anniversaires.) Ce n’est pas en février?

– Si mais aujourd’hui c’est la Saint B.

– Ah? Je ne savais pas. Vous faites ça en France?

– Oui, enfin non. Enfin pas tout le monde. C’est catholique en fait. Nous on est pas catholiques mais on fête les fêtes. C’est … de famille! (Ouf, j’ai trouvé une explication). On fait ça dans notre famille depuis longtemps.

– Donc aujourd’hui on fête la Saint B.

– En fait pas vraiment, on fête les Guillaume.

– …

– C’est que B., c’est tirée de Guillaume.

– … ?!?!

– Guillaume c’est Wilhelm en allemand. Sa version féminine est Wilhelmina, et B. c’est le diminutif de Wilhelmina.

– Elle s’appelle Wilhelmina en vrai?

– Euh… Non.

 

Moralité, désormais je réponds : ça n’existait pas, il nous fallait un jour, on a pris celui-là. Dans ma famille, on offre un petit cadeau pour fêter son saint, et on fait un repas spécial, à tout le moins un dessert. C’est comme un anniversaire, en plus petit. Ou comme une fête, en plus petit. C’est une petite fête, en fait…

Et vous, les fêtez-vous, les saints?

-Lexie Swing-

 

PS C’est vraiment tiré de Wilhelmina.

Le Noël des expatriés

Le cadeau de Noël de l'éducatrice./ Photo DR Lexie Swing

Le cadeau de Noël de l’éducatrice./ Photo DR Lexie Swing

Quand on est expatrié, il y a – grosso modo – trois façons de fêter Noël. La première, très courue, consiste à rentrer en France. Heureux possesseurs d’un billet hors de prix, nous nous engouffrons dans un avion vêtus de nos manteaux prévus pour affronter -30° qu’il nous faudra quitter dès le pied posé sur le sol français. S’enchaînent alors dix jours, voire deux semaines pour les plus chanceux, d’un marathon intense où l’on se relève à peine les fesses posées sur un canapé. Ce sont les Fêtes du pire et du meilleur. Toute la famille est réunie, on a la chance de croiser Mamie Berthe en dehors de sa maison de retraite et les amis éparpillés en France et dans le monde sont tous revenus passer Noël « au pays ». Mais ce sont des vacances sans repos, des vacances où il est impossible d’accorder plus d’une heure de temps à quelqu’un, des vacances où l’on avale les kilomètres autant que les chocolats et le gratin dauphinois. Des vacances qui ne sont pas des vacances. Juste des retrouvailles éphémères.

Il y a la version « la France vient chez moi ». Alors on file chercher à l’aéroport nos familles englouties jusqu’aux yeux sous des vêtements de ski dernier cri. On leur avait promis un Noël blanc mais voilà que l’herbe renaît sous leurs pas. Ou alors on leur parlait des températures clémentes et leur avion se pose sur un mètre trente de neige. Environ. Pas de demi-mesure. Ils sont ravis. Nous aussi. Ils ont apporté du foie gras dans leurs bagages, même si personne n’est bien sûr que c’est légal. On en profite pour passer quelques jours « au chalet », tout en déplorant l’absence du reste de la famille. On s’inquiète un peu de l’arrière-grand-mère qui ne sortira guère de sa résidence pour les Fêtes, des frères et soeurs qui ne verront pas nos parents pour le 25. Mais on en profite. On est un peu égoïstes.

Et puis la dernière possibilité, en dehors de rester entre-soi, c’est de retrouver son autre famille. La canadienne. Celle que l’on s’est construite, à coups de rencontres entre blogueurs, ou entre forumeurs. Grâce au travail, grâce au sport, grâce aux enfants. Une grande famille d’expats, qui se serre toujours les coudes. On mélange nos traditions, on réinvente la culture des Fêtes. On apporte un peu d’ici, et beaucoup d’ailleurs. On se comprend. On est pareil. On est de partout. On est de France, souvent. On ne se serait jamais rencontrés en France. On se serait croisés au détour d’un ciné. Et ignorés. Ici, on est amis. On est ensemble. On est une famille. Demain soir, je retrouve ma famille. L’autre. Et j’ai hâte de même.

Où que vous soyez, avec vos parents, vos frères et soeurs, avec Mamie Berthe, avec vos voisins, avec vos collègues ou avec vos amis. Que vous soyez bien ou mal accompagné… Passez de belles fêtes, soyez heureux, profitez-en. Même si c’est trop, même si vous courez, même si ce n’est pas exactement comme vous l’aviez imaginé… Avec une guirlande de Noël, on peut illuminer tout un monde. Demander à un enfant qui traîne par là, il vous le dira…

Et à bientôt…

-Lexie Swing-

Habiter la Rive-Sud de Montréal (ou en banlieue) (ou à la campagne)

Patinage sur le lac./ Photo SaintBruno.ca

Patinage sur le lac./ Photo SaintBruno.ca

Il y a un an, nous emménagions dans notre maison, à Saint-Bruno, sur la Rive-Sud de Montréal. Un choix réfléchi. Mais un choix hésitant aussi. Un an après, il nous arrive encore de lorgner les nouveaux condos dans les quartiers ouest de Montréal. Griffintown, la Petite-Bourgogne, NDG, des quartiers que l’on aime particulièrement. S’y serait-on vu y habiter? Non. Et c’est pour cela que nous sommes partis.

Saint-Bruno, c’est le paradis des familles. De ma famille en tout cas. Il y a une garderie au coin de la rue. Un café pour les nouveaux parents. Un catalogue entier d’activités sportives et culturelles proposées par la Ville. Des boutiques et des restos qui ne sont pas – que – des chaînes. Un parc naturel dont l’abonnement est pris en charge par moitié par la mairie. Il y a des gens dans des petits condos et d’autres dans des maisons si grandes que tu n’en trouves plus le bout. Il y a des tas de décorations devant les maisons dès le temps des Fêtes venus. Il y a une patinoire l’hiver, en accès libre. Des marchés d’hiver, des marchés d’été, des cinés en plein air, des fêtes, des tas de fêtes. Il y a la quiétude, surtout.

On se verrait bien vivre dans un condo luxueux du centre montréalais. Hier, ou plus tard. Mais maintenant non. Chaque fois que j’imagine mes filles un peu plus grandes, c’est ici, sur la Rive-Sud. Dans une école toute proche aux abords de laquelle les voitures ne grouillent pas. Arpentant le quartier avec quelques copines, dont on connaîtrait les parents puisque tout le monde finit par se connaître, inévitablement. Pratiquant un sport ici-même, représentant leur bourgade à défaut d’un quartier ou d’un arrondissement. Comme jeune adulte, j’ai aimé l’anonymat de la grande ville et détesté la proximité de ces villages où tout le monde se tutoyait. Mais, qu’importe l’âge que j’ai désormais, c’est pour les personnes qui m’accompagnent que je projette ma vie aujourd’hui.

Hier, je me suis rendue à la bibliothèque. Cahin-caha, la mini dans sa poussette et la moins petite accrochée à ma main. Elle l’a lâchée un instant pour attraper un caillou quelque part. Ai-je paniqué? Pas vraiment. Les voitures sont plutôt rares sur les chemins que nous empruntons et elles manquent rarement de ralentir aux abords des passages piétons. Une heure plus tard, nous en sommes revenues. Le vent faisait voleter les pans de ma tuque et l’air était froid, mais le soleil de décembre baignait les rues de lumière. Il faisait frette, mais dans mon coeur c’était chaud, chaud. Parce que dans mon monde, tout est désormais à la bonne place. A commencer par moi.

Et vous, quel choix de vie avez-vous fait?

-Lexie Swing-

Et de deux!

Aéroport de Montréal./ Photo abdallahh

Aéroport de Montréal./ Photo abdallahh

Deux ans. Le 25 août 2013, chargée comme une mule de trois bagages, d’un bébé et d’un chien, je passais les portes de l’aéroport de Montréal. Derrière celles-ci m’attendait mon amoureux, prêt à commencer cette nouvelle vie ensemble, de l’autre côté de l’Atlantique.

Deux ans plus tard, nous avons encore migré. De l’ouest de l’île de Montréal, où nous louions notre premier condo, nous avons déménagé sur la rive-sud, et sommes devenus du même fait propriétaires. En même temps que l’immigration, c’est notre vie d’adultes que nous avons entamée. Nous avons laissé derrière nous les études, les jobines, les appartements croches de la région toulousaine, les cautions parentales, l’insouciance de la vie à deux; pour entrer à toute allure dans le tunnel  des responsabilités parentales, des vrais boulots qualifiés, des prêts avec intérêts modérés et des soucis de propriétaires.

En deux ans, nous avons…

  • Changé de voiture, deux fois, toujours pour une Subaru Forester.
  • Loué un condo
  • Acheté une maison
  • Eté trois fois aux USA
  • Fait l’aller retour une fois pour la France
  • Trouvé trois garderies pour Miss Swing
  • Trouvé un boulot, pour moi
  • Trouvé un boulot, puis un autre, pour mon amoureux
  • Eu un deuxième enfant, in extremis pour être comptabilisé dans nos deux années de vie canadienne.

Et encore, ce n’est rien quand on pense à toute cette vie que l’on reconstruit, aux mille démarches administratives, aux aller-retours chez Ikea car on n’a rien de rien, pas même une cuillère pour manger son yogourt, aux amitiés à reconstruire, aux jobs à trouver, aux enfants à confier, à la routine à réinventer, aux produits que l’on cherche désespérément dans les rayons des supermarchés, aux habitudes locales que l’on ne comprend pas toujours, au coeur que l’on met à défendre sa nouvelle patrie, qui n’est pas si américaine, pas si « pleine d’obèses », pas si en retard, pas si libérale, pas si pro-OGM, pas si dévastatrice de l’écologie. On en vante les mérites, on en reprend les expressions, on dit « nous » en parlant d’ici, et souvent « nous » aussi, en parlant de là-bas, on se félicite de notre choix d’être partis, même s’il est parfois difficile d’accepter la distance. On se reconstruit, on s’impressionne nous-mêmes du chemin parcouru, de cette incroyable capacité à tout recommencer.

Deux ans donc, et certainement de nombreuses années encore.

-Lexie Swing-