Le petit potager pour les nuls

Ça ne pouvait pas louper : ma tendance BoBo écolo-bio m’a fait déboucher sur la construction d’un potager en carré. Associée à l’incontournable argument « mais siii, ça fera tellement plaisir aux enfants », la plantation de légumes home-grown a eu lieu.

Nous avons Youtubé (du verbe Youtuber, regarder sur Youtube) toutes les informations nécessaires : construction du potager, plantation des légumes, taillage des plants… le tout en mode « mute », tant les digressions et autres fautes de langage sont parfois insupportables.

Rapidement, cependant, sont venues les premières questions : quoi planter? Et combien? Directement en plants? Et ça s’arrose beaucoup?

Vous qui connaissez bien la terre ou possédez votre propre potager depuis longtemps, je sais que vous riez. Mais sachez que c’est exactement le genre de questions que j’ai posées à Hélène et Célia (et elles m’ont répondu très sérieusement!).

Quand j’étais enfant, mes grands-parents possédaient une fermette, à laquelle nous nous rendions les fins de semaine et pendant certaines vacances. Cahin-caha sur les chemins (« tu nous secoues comme des salades », riait alors ma grand-mère), nous allions cueillir les légumes fraîchement poussés. Les rares images que mon esprit a conservées sont celles des haricots qui tanguaient dans la chaudière (le seau) de ma grand-mère.

Pourtant, aujourd’hui, je suis obligée de googler « comment savoir qu’un haricot est mûr ».

Sérieux? Oui, sérieux… Je ne sais pas à quoi sont censés ressembler mes radis une fois prêts à cueillir, ni quand mes poivrons verts vont devenir rouges . Je me pose de vraies questions, ça me remet à ma place d’humain complètement déconnectée de la terre mère, et c’est un peu navrant.

Alors voilà, j’ai un potager. Il fait 1m20 par 1m20, les planches sont en bois non traité, et ça m’a pris deux allers-retours à Home Dépôt pour le remplir jusqu’en haut. Dedans, il y a des petites graines bios des Jardins de l’Ecoumène, commandées en ligne (je recommande, leur choix est incroyable) et des plants issus du Marché Longueuil. Il y a des tomates jujubes (c’est vraiment leur nom), un plant de fraises, des haricots verts, des radis français, des poivrons, des courgettes et pas mal d’herbes aromatiques. A date, on a mangé une fraise, et un écureuil a volé la deuxième. C’est une maigre récolte, mais je suis patiente, je finirai par apprendre. En attendant, les filles ont chacune leur « carré » dédié, dans lequel elles ont planté des radis, des haricots et de la ciboulette. Tempête en a déjà déterré une partie et l’écureuil s’est chargé du reste. Mais les radis résistent…

-Lexie Swing-, qui, entre autres choses, peine à différencier herbes aromatiques et mauvaises herbes

Crédit photo : Lexie Swing

EDIT (dix jours plus tard) : nous avons mangé 8 radis et c’est vraiment le fun de dire aux petites « regarde c’est le radis qui vient de la graine que tu as toi-même – sauvagement et en déterrant ce qu’il y avait autour – planté ». Les premières tomates apparaissent également. Par contre j’ignore toujours si les haricots sont dus et je n’ai aucune espèce d’idée par quel bout sont censées pousser les courgettes… Mais on tient le bon, de bout…

La reprise

cupcakeQuand nous sommes revenus de vacances, c’était un dimanche. Dès le lundi nous reprenions tous le chemin de notre quotidien. C’était un choix, et peut-être pas si mauvais compte tenu du fait que cela a évité aux filles de se morfondre devant la fin des vacances, et à nous de traîner la patte pour retourner au travail.

Le reste a suivi avec un peu plus de mal. Notre jardin était en friche, notre potager attendait ses plants, le sol du salon était toujours en stand-by, etc. Les jours ont défilé avec cette régularité qui rend facilement indolent face au moins nécessaire, comme le blogue.

Mais les semaines ont passé, nous avons rattrapé le retard des jours d’absence et il est temps de replonger. Ce n’est pas un début d’année mais qu’importe. Nous sommes toujours au commencement de quelque chose.

J’ai réfléchi à ce qui me plaisait de lire ailleurs, et j’ai décidé de le souligner un peu plus ici. Un peu plus de quotidien, un peu plus de choses testées que je souhaiterais vous partager (mais ne comptez pas sur moi pour photographier tous mes plats au restaurant, je n’ai pas la politesse d’attendre avant de dévorer), un peu plus de voyages, j’espère, et quelques repères pour les nouveaux arrivants. Un peu plus de chair, en fait. J’ai aussi décidé (enfin) de changer le physique du blogue. Il a une nouvelle coupe tendance, il a pris le soleil du Sud, il a fait du sport, et désormais il se sent mieux. J’espère qu’il vous plaira ainsi.

Il est possible que vous ayez l’impression que je prends un virage écolo-bio-féministe, ou féministo-biocolo-végétarien. Je veux d’abord que vous sachiez que ce n’est pas un virage. Comme je l’ai déjà souligné, le bio m’a longtemps fait rire (je trouvais que c’était une arnaque) et le véganisme (comme ce cupcake) est longtemps resté pour moi un truc d’extrémiste, chose que – comme je ne vous l’ai jamais caché – j’exècre. Il est vrai que j’évolue tranquillement vers ça (c’est pourquoi j’ai ensuite mangé ce cupcake). Parce que l’on change en grandissant, en vieillissant, et que je trouve ça correct. Il y a peu de chances que je me déclare soudainement la grande papesse de la tendance grano du moment. Parce que, chanceux que vous êtes, ce défaut là commence aussi à disparaître avec le temps. Quatre ans et demi de maternité, quatre ans comme immigrée, six mois comme nouvelle employée… Tout ça contribue à redonner un petit coup de boost à mon humilité.

Là où je vais être chiante, certainement, c’est sur l’égalitarisme, le féminisme. Quel que soit le nom qu’on donne à ce mouvement, il est pour moi central, primordial. Il est à la fois ce que je suis et ce que je transmets. Et j’avoue admettre peu les arguments qui vont dans l’autre sens. Je comprends qu’on puisse se sentir moins concerné, parce qu’on ne l’a pas vécu vraiment de discrimination, parce que le couple de ses parents était un couple très égalitaire, parce que l’on a jamais eu l’impression d’être choisie ou refusée pour son physique ou son sexe, parce que personne n’a jamais eu de paroles déplacées… Encore une fois, je ne suis pas extrême. Je ne suis pas susceptible non plus. Je suis une cause perdue. Je ne sais ni tenir correctement un balai ni faire une division de tête (et encore, s’il ne s’agissait que des divisions…). Je ne rentre dans aucune case de genre, je suis trop à gauche, tassée dans un coin, je dépasse, j’étouffe un peu des fois, et je ne me reconnais pas toujours dans les traits que l’on veut me dessiner, mais comme je suis gentille je me contente de sourire et de tourner les talons. La position est inconfortable, elle l’est depuis longtemps, pour beaucoup de femmes, et beaucoup d’hommes, et aussi pour tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans leur genre d’origine. Je veux autre chose pour nous, maintenant, et pour nos enfants, demain. Voilà pourquoi de temps en temps mes articles reviendront sur cette idée. Et pourquoi je continuerai à partager des articles qui font une promotion accessible de l’égalité des genres et des efforts de chacun.

Vous êtes libres de suivre ce qui vous plait, mais ne fermez pas les yeux trop vite. On peut tirer matière à réflexion de tout, même si l’on est pas dans cette tendance, et même si l’on est pas d’accord.

A très vite!

-Lexie Swing-

Crédit photo : Lexie Swing

Des vacances dans le Sud de la France

Suspendu. C’est le mot qui sied le mieux au temps, ces jours-ci. Il s’écoule avec une infinie lenteur, larvé dans une maison en pierres, sous le soleil de Provence. Les minutes s’égrènent avec hésitation. Les groupes se dispersent. Qui pique une tête dans la piscine, qui complote en observant les fourmis au bout du jardin, qui lit à l’ombre du toit de bois, dans le salon d’été, qui rebondit sur le trampoline, au bout du petit chemin, et qui tape au loin, défendant avec acharnement son jeu au tennis, sous un soleil de plomb.
Il y a bien longtemps que nous n’avons pas franchi les limites de la propriété. Qu’elle se suffit. Qu’elle nous suffit. Microcosme dissimulée dans la végétation provençale.

Bientôt, pourtant, on reprend la route. Le temps d’embrasser encore mon amie et sœur que j’aime de tout mon cœur. Les grands-parents. Les oncles et tantes. On fait un crochet par nos terres stéphanoises. Un autre par celles, au milieu des volcans, qui nous ont vus grandir. Et puis on rejoint notre Sud-Ouest d’adultes. Notre premier appartement. Notre deuxième. Notre première maison. Nos allers-retours dans la région montalbanaise. La maison aux volets bleus de mes parents. Les bordures qui sentent la menthe fraîche. L’immense jardin que je tonds. Les chevaux que l’on nourrit, la main bien à plat, et les « tiens donne-leur toi maman ». Le beau Gibbs blanc et noir. Le chat que j’évite. La balade en péniche à l’ombre des platanes et les écluses qui n’en finissent plus de s’ouvrir. La visite à Toulouse pour voir les amis et s’inviter dans les lieux de nos premières amours. Notre crêperie. Notre papeterie. Saluer la fac. Se demander si le sens de la rue a encore changé. S’étonner du nombre de commerces qui ont fleuri depuis notre dernière visite. Visiter des amis à Bordeaux. Rencontrer pour la première fois un grand bébé de trois ans. Se rendre compte que l’enfant qu’on a connu minuscule va entrer au CP. Et que notre grande fille n’était alors qu’un bébé.

Alors les vacances s’achèvent, on remplit les sacs en faisant des piles un peu partout sur le sol de la chambre. Les tas sont énormes, les sacs débordent, et l’on ouvre les boîtes de cadeaux pour y loger d’autres petites choses, le nougat entre deux livres et les carnets glissés entre deux morceaux de puzzle 4 ans et + phosphorescent. Les souvenirs s’imbriquent, le temps s’accélère, il est temps de partir. A 4h le réveil sonne. La nuit aura duré le temps d’un battement de paupières, à peine. Voiture, débarquement, aux revoirs, contrôle, douanes, embarquement, longues heures de vol, et puis Montréal, en dessous de nous. Montréal au bout de la piste. Montréal, qui brunche, entre deux averses. Et notre amie qui nous attend, debout à côté de la voiture. Les bagages que l’on jette dans le coffre, le chien que bientôt on récupère, les vêtements et les objets que l’on range, les jouets que l’on ressort. Et la vie, que l’on reprend. Montréal, nous revoilà.

-Lexie Swing-

Crédit photo : DR Lexie Swing

Je suis devenue BoBo

Bourgeois-Bohème. J’aime l’idée d’être bohème. J’aime ce mot, poétique, et ce qu’il sous-entend : de la lenteur, de la contemplation, de la musique, des voyages, que sais-je encore. J’aime moins le mot bourgeois. La richesse qu’il suppose. La condescendance qu’il établit. Je n’ai pas les moyens de me croire bourgeoise, mais j’ai la sensation de le faire paraître.

BoBo. J’aime quand même l’idée qui y est associée. Cet esthétisme particulier, ce goût du beau et du choisi, du sélectif. T’es devenue BoBo. C’est l’amoureux qui se moque, quand je respire mieux parce que je suis au rayon du bio. Quand je ne comprends pas le sens d’une phrase parce que je me suis perdue dans la musique formée par les mots. Quand je m’extasie sur des tissus Liberty hors de prix. Quand je lui fais dessiner, appuyé sur son sac à dos, les plans de mon potager dans mon Bullet Journal.

Bien sûr que je suis tout ça. Que je suis quelque tendance, avec une incroyable lenteur. Que je peux perdre le fil d’une conversation, parce que je me suis égarée dans la contemplation d’un tableau, en arrière-plan. Que je me sens mal, au royaume des supermarchés super achalandés de montagne de bouffe transformée. Et que je me suis extasiée, la première fois qu’au Marché Jean-Talon j’ai aperçu tous les fruits et légumes joliment présentés, dans leur petit panier. Que j’applaudis à chaque initiative estampillée locale, à chaque nouveau café aux couleurs Pinterest, à chaque nouveau resto qui rivalise d’imagination pour proposer du fait-maison. Que j’adore mon vélo, un mélange de bicycle de ville et de vélo à vitesse, déguingandé et poétique.

Et alors, pourquoi pas? Je lui ai répondu. C’est mieux, d’acheter son gratin tout fait et ses pizzas congelées? C’est mal, d’avoir créé son potager et de laisser ses filles plonger les mains dans la terre en pensant que c’est une bonne chose, qu’elles découvrent d’où viennent les légumes tout coupés dans leur assiette? C’est déplacé, d’apprécier le beau, le joli, d’être la 100 001e personne à aimer le Liberty et les meubles suédois? C’est fou, peut-être, d’acheter du bio, de soutenir le local, de vouloir voir des gens, des vrais gens, m’expliquer ce qu’ils ont eux-mêmes construit, ou cuisiné, plutôt que de cliquer sur «Valider», et d’acheter en Chine, depuis mon écran d’ordinateur?

Ce n’est ni plus fou, ni plus mal, ni déplacé, ni moins bien. Ce n’est pas grave d’être «un de plus». Ça ne sert à rien d’avoir honte de vouloir mieux, de vouloir plus, de vouloir être comme les autres, de lire un article sur la nouvelle tendance écolo et de trouver que c’est une chouette idée.

C’est bien, je trouve, de vouloir évoluer, de vouloir s’améliorer, de s’attacher à donner le meilleur à ses enfants et à soi-même. Et c’est normal, aussi, de souffrir de paradoxes. De porter une jupe Zara et un pull du coin. De manger des frites décongelés et des burgers végé savamment préparés par vos soins.

Et puis toi aussi tiens, t’es devenu BoBo.

-Lexie Swing-

 

20

CadetteDans quelques jours, Tempête aura 20 mois. 20 mois! C’est presque la maturité, pour un bébé!
Tempête… Elle a des joues de brioche, et toujours une couette sur le haut de la tête. Lorsqu’il pleut dehors, ses petits cheveux de derrière tressautent, insolents, et remontent en des anglaises qui s’étiolent en fonction du temps. Elle a des petits bras musclés, des cuisses rondes et deux pieds bien campés. Dans le bain, le soir, elle regarde attentivement et imite sa sœur. Elle croise maladroitement les bras pour laver ses toutes petites aisselles qui n’ont pas transpiré. Elle sort un pied, puis l’autre, pour les savonner. Elle frotte ses cheveux, elle frotte ses yeux, puis crie au supplice du shampooing-qui-pique et qui ne devrait pas. Tempête, et ses trois sucettes, qu’elle tient dans chaque poing, pour les échanger la nuit venue, en fonction de ses envies et du goût qu’elles n’ont plus. Sucettes qu’elle appelle « sussss » en faisant traîner la fin, à l’affût de ses précieuses dans toute la maison. Et tous ces mots qu’elle dit, ses petites phrases courtes. Ses « papa est pa’ti? » et « il est où Loulou? » La première fois qu’elle a appelé sa sœur, et mon émotion… La première fois qu’elle a répondu « C’est à mééé » quand j’ai voulu lui prendre son ourson…
Tempête mon inépuisable, parfois fatiguée mais jamais rassasiée. Qui court, grimpe, saute en comptant « un, deux ». Son impatience, sa gourmandise, son rire contagieux, son entêtement, ses cris rageurs et son désespoir quand on lui interdit quelque chose qu’elle souhaitait ardemment.

Mon bébé soubresaut, réveillé au moindre souffle, au moindre bruit. Mon bébé que j’ai veillé il y a quelques nuits, quand le sommeil refusait de venir, et qui a attrapé ma main à travers les barreaux du lit, pour y lover sa tête. Mon bébé d’émotion, si plein d’émotions, qui les alignent comme autant de billes dans son quotidien. Si l’amour était en accusation, Tempête serait ma preuve irréfutable qu’il existe. Il vit, il vibre, il crie à pleins poumons, rit à gorge déployée et pleure à chaudes larmes. Il a bientôt 20 mois et une couette sur la tête. Et il s’appelle Tempête.

-Lexie Swing-

Crédit photo : Lexie Swing

Ravie de faire ma connaissance

Je suis curieuse. Tellement curieuse, vous ne pouvez pas savoir. J’aime connaître les gens, les comprendre, fouiller leur âme pour voir ce qu’il y a de caché en dedans. Je suis capable de poser des questions comme « et qu’as-tu ressenti au moment où ton boss a dit ça? ».

Plus que tout j’aime connaître la vie des gens, me la représenter. Rien ne m’émeut plus que de découvrir que quelqu’un que je côtoie mais connais peu a eu une vie riche et dont je n’aurais pu imaginer le premier paragraphe.

Cette curiosité, je la porte en moi et pour moi aussi. J’adore poser des questions sur qui j’étais, ce que j’ai dit et à quel moment. Ce que j’aimais porter enfant, qui était ce petit garçon dont je tenais la main sur cette photo et faire valider un souvenir que je pense avoir mais qui me paraît flou.

Je suis chanceuse, mes parents ont toujours répondu à mes questions. Ma mère s’est appliquée à me raconter ma naissance, à m’expliquer mon enfance. J’ai eu longtemps mes grands parents et arrières grand parents. J’ai fait des arbres généalogiques et me suis représentée sur papier ces vies qui avaient conduit à la mienne. J’ai entrepris de faire de même ensuite avec la famille de mon conjoint, de reconstituer les puzzles et de combler les morceaux manquants. J’ai extorqué des informations qu’on ne voulait pas toujours me donner mais que j’estimais légitime de posséder. Car si moi je reste une étrangère, mes filles portent ce nom, et elles portent ce sang. Elles ont sur leurs épaules le poids de ces histoires, elles sont une résultante, une conséquence, et une continuité.

Je veux pouvoir leur tracer un chemin et leur mettre entre les mains tout ce que j’aurais glané, ce qui est important et ce qui paraît ne pas l’être. Les lieux, les anecdotes, les surnoms, les bravades, et le reste aussi.

J’ai mon propre bagage. Il est paqueté, ficelé. J’ajoute toujours des choses dans les poches, mais pas trop. J’ai fait le plus gros, le plus pesant. J’ai déjà déterré le pire, j’ai aussi révélé le meilleur. Et si d’autres informations surprenantes finissaient par apparaître, alors j’ouvrirais la valise, je réorganiserais et tasserais dans les coins avant de refermer le tout et de repartir sur le chemin.

Je suis allée à ma rencontre. Depuis toute petite. Je méritais toutes ces informations, elles m’étaient dues, elles m’appartiennent. Et personne n’était en droit de juger de ce qu’il avait la possibilité de me délivrer.

Aujourd’hui, alors que je me faisais manipuler par l’ostéopathe, il m’interrogeait sur ma naissance. A-t-on utilisé des forceps ? Es-tu née avec facilité ? J’ai remercié silencieusement ma mère de m’avoir fait cadeau de mon histoire, de m’avoir donné ces informations, même si elles lui ont parfois peut-être parues futiles.

Quand je me retourne, je vois une route dégagée. Cahoteuse mais dégagée. Et j’en connais les moindres recoins.

-Lexie Swing-

Crédit photo : Unsplash

Monologue à ma fille

Regarde, chérie, regarde le monde. Un monde tout neuf, une vie à construire. Tu es une fille, tu es ma fille. Tu es mon royaume, et je t’aiderais à en construire un à ton image. La vie que tu mérites, sans barrières, et sans obstacles. Dussé-je les déchiqueter à mains nues, je ne laisserai personne intervenir pour te dire que tu ne peux pas, que tu ne sais pas, que ce n’est pas ta place. Tu porteras les vêtements qui te plaisent, tu joueras aux jeux qui t’amusent et tu auras les amis que tu veux. Tu feras le sport qui t’allume, l’activité qui te transporte. Tu étudieras ce qui t’intéresse et tu feras le métier que tu t’es choisie. Tu en changeras, tu te tromperas peut-être, tu avanceras, tu iras ailleurs, et personne ne te jugera pour ça. Tu vivras où tu veux. Tu vivras seule, ou avec une bande d’amis. Avec une amoureuse, un amoureux. Avec des gens que j’aurais le goût de connaître puisqu’ils seront importants pour toi. Tu pourras tout me dire, toutes tes joies, toutes tes peines, toutes tes erreurs, toutes tes errances.

Je te promets de ne pas juger, d’essayer de comprendre, d’essayer de t’aider. Je te promets de ne pas te changer, de ne pas te façonner et de te laisser être la personne que tu souhaites et non celle que j’espère. Je te promets aussi de te protéger, parce que toutes les erreurs ne méritent pas d’être commises, et que j’en ai commis aussi, pour que tu n’aies pas à les faire à ton tour. Je te promets de t’informer, de t’expliquer, pour que tu puisses faire chacun de tes choix en connaissance de cause. Et je te promets de te les laisser, ces choix. De te laisser les portes ouvertes. Toutes les portes.

Je continuerai à me battre, pour que tu les aies. Je continuerai à répondre vertement à ceux qui te minimisent parce que tu es une fille. Je continuerai à sourire lorsque tu affirmes à qui veut l’entendre que ta couleur préférée est le bleu, et que tu arbores fièrement, au milieu de tes amies en robes de princesse, une tunique noire, sur un legging noir, «parce que c’est beau le noir Maman». Je te laisserai être cette petite fille un peu gauche, mais tenace, et à applaudir tes exploits sur le trampoline, parce que je me souviens que ce qui est important ce n’est pas que tu sois la meilleure mais que tu donnes ton meilleur, et fasse un peu mieux, à chaque fois. Et quand on voudra te comparer, je garderai en tête qui tu es, que ce n’est pas parce qu’un domaine n’est pas ta force, qu’il est nécessairement une faiblesse, et que c’est la somme de tes faiblesses, ajoutées à celle de tes forces, qui ont construit la jeune femme que tu deviendras.

Je te promets de ne laisser personne me dire qui tu es. Si tu promets de ne laisser personne te dire qui tu es toi-même, même pas moi.

-Lexie Swing-

Crédit photo : Lexie Swing

Ces commentaires dérangeants

Machine à ecrireIl y a longtemps, j’ai vu une blogueuse préciser qu’elle ne supprimait aucun commentaire par respect de la liberté d’expression. Et qu’elle répondait à tous, même aux trolls. Suivaient alors des débats sans fin avec des personnes conflictuelles dont les arguments solides du type « grosse salope mal baisée » et « connasse de féministe », deux expressions synonymes par ailleurs, intervenaient fréquemment.

Je me souviens m’être trouvée un peu poche, à l’époque, moi qui n’hésitais pas à supprimer les commentaires que je jugeais déviants, voire insultants.

Aujourd’hui, lorsque je vois trois chroniqueuses québécoises de renom abandonner certaines de leurs chroniques par fatigue des attaques répétées sur les réseaux sociaux, je réalise que je souhaitais seulement préserver mon espace vital.

Je suis journaliste de formation. La liberté d’expression est ma clé de voûte. Mais la liberté d’expression a, pour moi, un caractère noble. Elle a dans mon esprit – et peut être dans mon esprit seul – pour but premier d’être utilisée pour défendre la veuve, l’orphelin et l’opprimé. Dénoncer la puissance, souligner les incohérences d’un système qui nous écrase comme de vulgaires bibittes entre ses grosses mâchoires. La liberté d’expression, son concept, n’est pas à mes yeux un fourre-tout dans lequel devraient se côtoyer la dénonciation de la condition de vie des Syriens et le « grosse pute » adressé par un énervé du clavier à une jeune femme qui met à mal sa vision machiste de la société actuelle dans laquelle ses testicules et lui se sentaient jusqu’ici parfaitement à l’aise.

Chez moi donc, je supprime. Pas souvent, je n’ai probablement pas un ton assez polémique. Mais je supprime. Je supprime le type qui me dit que je rigolerais moins quand, avec mes histoires de poupées noires achetées à mes filles, je leur aurais donné le goût d’aller se marier au bled avec un Arabe (?!).

Je supprime quand une lectrice m’avise qu’à trop vouloir proposer des jouets non-genrés, je vais faire de mes filles des petites lesbiennes. Alors que rien ne dit que mes filles seront petites.

Je supprime quand on me traite de chialeuse de Française.

Je supprime quand on m’insulte. Je supprime quand on m’attaque gratuitement. Et plus que tout, je supprime quand on adopte sur ma page des propos sexistes ou racistes. C’est mon opinion à moi de considérer que le racisme et le sexisme ne sont pas des opinions. Et que je ne suis donc pas tenue de les respecter.

Je ne suis pas une personne de conflit. Ça me prend beaucoup de temps d’esprit d’argumenter valablement dans un débat. Mais il n’y a pas débat, pour moi, avec quelqu’un qui m’annonce d’emblée « ils sont tous tarés ces Chinetoques » ou « Allez, entre nous, admets qu’une lesbienne c’est juste une fille qui n’a jamais connu un vrai coup de bite? »

Oui je suis grossière. Et ce n’est pas seulement parce que je rêve d’attirer le gratin de la pornographie moderne sur mon blog grâce à quelques mots clés subtilement glissés. Les gens sont grossiers. Le monde est grossier. Caché derrière son écran, le monde oublie sa politesse, ses bonnes manières. Il s’exprime avec moult injures, et moult fautes souvent. Et au nom de quoi? On se le demande franchement. Pensent-ils changer la face du monde en exprimant des avis aussi solides ? Se couchent-ils plus détendus ? Plus heureux ? Racontent-ils leurs derniers mots mal orthographiés autour de la machine à café le lendemain matin?

Je refuse tout bonnement de changer le monde un abruti à la fois. Je ne peux pas. Je n’ai pas envie. Et ça ne sert à rien. On sent tout de suite, dans la vie, quand une conversation sera stérile et un débat sans fin. Je ne veux pas entrer dans ce jeu.

Je crois en un monde ouvert, de discussion. Je crois aussi fermement que les gens devraient être égaux, que la couleur de peau, les origines ou la religion sont seulement des caractéristiques, et que l’on peut être et aimer qui l’on veut. Si ces principes de base ne sont pas les tiens, passe ton chemin. J’ai la suppression facile.

-Lexie Swing-

Regrets

imageDe la neige douce sous les pieds, un sac à dos rempli de courses et un bébé solidement arrimé sur ma poitrine. C’était moi, hier, quand Tempête s’est levée fiévreuse et qu’il a fallu agiter le drapeau blanc le temps de la requinquer. Parce que justement, elle se remonte en un tour de clé et que la musique est vite repartie, j’ai profité de cette journée off pour la sortir un peu. Fièvre oblige – oui, E. est de ces enfants que rien n’arrête, même 40 de fièvre – je l’ai transportée dans le porte bébé afin de lui épargner le chemin plein de la neige qui s’était amoncelée la veille (25 cm si j’en crois la météo).

Nous sommes parties, cahin caha, moi titubant un peu dans la neige, elle, la tête renversée en arrière, bouche ouverte, tentant d’attraper au vol les quelques flocons qui flottaient encore dans l’air. J’ai déambulé dans les différentes boutiques de Saint-Bruno auxquelles je projetais de me rendre. À l’épicerie, la caissière m’a écartée d’un geste et a rempli avec bienveillance mon sac à dos, le transportant jusqu’à mes épaules pour m’éviter une rotation compliquée. Ainsi chargée, je me suis alors dirigée vers ce petit café dont j’avais entendu parler sans jamais y mettre les pieds. J’y ai croisé la vie de Saint-Bruno, des clients visiblement fidèles, sinon habitués, qui sirotaient leur dose quotidienne. Des gens plongés dans leur journal, dans leur livre, sur leur cellulaire ou dans leur conversation. J’ai aimé ce monde là – et le café était délicieux, ce qui ne gâche rien. Je suis repartie mon gobelet à la main, les yeux perdus dans le ciel bleu.

Je ne suis pas fille à avoir des regrets. Pas même de la nostalgie. Comme si le temps s’évanouissait dès lors qu’il se conjugue au passé. Mais les pieds dans la neige et le cœur léger, j’ai regretté. Regretter les premiers mois de ma deuxième née où mon esprit fugitif avait pris la décision de saborder ma vie de mère. Où j’aurais tout donné pour sortir de cette routine, de cette ville, de cet hiver là, et me retrouver entre les quatre murs d’un bureau. Un bureau que j’ai détesté, sitôt retrouvé, parce que je n’avais toujours pas fait la paix, et que mon esprit, mon cœur et mon corps se livraient une lutte sans merci.

J’ai regretté parce que j’aurais pu profiter. Les conditions étaient réunies et la neige était bonne. On aurait pu s’en donner à cœur joie, elle et moi. On aurait marché dans la neige un café à la main. On aurait fait l’épicerie, en s’appuyant sur la bienveillance du genre humain. On aurait eu du fun.

Bien sûr, ce n’est pas mon tout petit bébé que je traînais hier. Ce bébé ci fait presque 10 kilos et il parle. Il m’invective et me poursuit dans la maison en criant « Papeauuu » ma tuque à la main lorsque j’oublie de me coiffer pour sortir. Il dit bye d’une voix caverneuse à la sortie de tous les magasins. Il me pince le nez quand je le porte dans le porte bébé, quand il n’essaie pas de visiter une de mes narines. Il tient debout devant la porte, tandis que je me déharnache. Et une fois à l’intérieur, il envoie valser ses bottes et court vite se jeter sur le sofa du salon.

C’est un autre hiver, un nouvel hiver. Et qu’importe le temps qu’il fait dehors, il fera toujours moins froid dans mon cœur que l’hiver dernier. Je regrette d’être passée à côté de ces moments mais je ne voudrais pas y revenir. Le présent est bien plus beau. Mon bébé est devenu lourd à porter mais mon cœur est tellement plus léger que mon corps à trouver son équilibre.

Et puis je n’oublie plus de mettre ma tuque en sortant.

-Lexie Swing-

Et toi, tu manges quoi?

imageÇa fera dix ans cette année que Mr Swing et moi avons commencé à vivre ensemble. Notre frigo miniature était alors une vraie vitrine de ce que l’on trouvait au supermarché : jambon et saucisses Herta, cordons bleus Père Dodu, croque-monsieur sous vide, Paniers de Yoplait, Saint-Morêt et Babybel. Nous avions un bar toujours trop encombré pour y manger et finissions toujours par dîner devant la télé, sur le canapé. Et l’on fumait à la fin du repas.

Il s’est passé une vie en dix ans. Des rebondissements, des incertitudes. Mais parmi les choses qui ont le plus changé, il y a indubitablement notre façon de consommer et de manger. Quelques années plus tard, arrivés dans le Gers, notre frigo plus grand reflétait notre vie d’alors : plus de légumes, parfois achetés au marché, à ce vendeur qui faisait de l’agriculture raisonnée. Plus de recettes faites maison. Plus de repas emportés au bureau. Plus de cuisine, encore. Et quelque temps plus tard, plus de bio. Du moins pour bébé.

Lorsque Miss Swing est arrivée, nous avons fait le choix d’un lait bio. Du Hipp. Lors de la diversification, le bio s’est naturellement imposé. En petits pots ou fait maison, nous avons continué à la nourrir surtout avec des aliments biologiques. Allant même jusqu’à acheter pour elle seule quelques légumes bios, lorsque nous prenions les nôtres au rayon « normal », faute de moyens.

À Montréal, c’est également la première chose que nous avons cherché, un lait bio. Pour finalement l’abandonner car il n’était pas digeste. L’ivresse de la nouvelle vie et des nouveaux supermarchés nous ont fait perdre un peu ce cheminement. Arrivés avec le strict nécessaire, nous avions aussi laissé derrière nuit la plupart de nos précieux outils et ustensiles de cuisine accumulés au cours des années.

Qu’est-ce qui a changé ? L’arrivée d’un deuxième enfant? Notre niveau de vie? Depuis quelque temps, nos placards regorgent de produits biologiques, des légumes à la farine en passant par le sucre. Plus loin encore, l’intolérance de notre cadette aux protéines de lait de vache nous a progressivement conduit à diversifier notre régime alimentaire, lui intégrant du même coup un fort ratio de recettes végétariennes et même souvent veganes (PLV obligent).

Du croque-monsieur Herta au tempeh biologique, il y a dix ans et un pas de géant. Je me réentends me moquer gentiment de ma mère, qui privilégiait déjà le bio pour tout. Je lui disais « les légumes ok, mais la farine? Le beurre? Le sucre glace?? » Il faut dire que c’est tout un mode de vie qu’il faut réapprendre lorsqu’on se tourne vers d’autres produits … Reste que, mon raisonnement d’alors me surprend. Pourquoi trouvais-je que choisir des légumes bios était plus logique que du sucre?

Aucune idée. Mais je me souviens avoir pensé qu’elle voyait un peu le mal partout, les pesticides dans tout aliment. C’est pas mal ce que je pense à mon tour aujourd’hui. Enrichie d’informations, gavée d’images sensationnalistes, ébranlée par la souffrance animale et les révélations sordides, soucieuse d’offrir le plus sain à mes filles en ayant l’impression de ne faire jamais assez… Costco est devenu ma Mecque, avec ses paquets de produits biologiques taille colonie. Et si je me tournerais volontiers vers « le petit agriculteur du coin » j’avoue ne pas toujours m’y retrouver quant aux modes de culture…

Et même là, il reste difficile de bien choisir. On choisit un fruit dans l’étal estampillé biologique et l’on apprend par une enquête que tout ce qui est vendu n’est pas forcément bio. Alors on se met à traquer les certifications, pomme après pomme, citron après citron. On croit se nourrir d’un poisson moins pollué et la télé nous étale la vérité toute crue : le saumon bio est encore plus toxique que son cousin élevé normalement. Et au milieu de tout ça on garde en tête que la certification n’est pas la même d’un pays à l’autre…

Prochaine étape : le potager ! Il paraît que c’est enrichissant, pour les enfants. Espérons qu’elles aient la main un peu plus verte que moi (et qu’Eleven fasse la chasse aux écureuils curieux!).

Et vous? Avez vous changé quelque chose à votre façon de vous alimenter?

-Lexie Swing-