Ton petit hiver au Canada

Aux futurs immigrants, on annonce sans détours «tu verras, le Canada, c’est six mois d’hiver». Et si ce n’est pas tout à fait vrai, ce n’est pas complètement faux non plus. Mais alors que j’attaque mon cinquième hiver sous ces cieux, je me rends compte que c’est moins la longueur de l’hiver que les paysages qui me dépaysent.

Il y a quelques soirs de ça, un samedi je crois, nous avons pris la voiture en direction de la piste de luges, aménagée au cœur d’un parc proche. C’est courant par chez nous, des pistes de luges aménagées, même si cela ne signifie en rien que le vin chaud t’attend à l’arrivée.

Nous étions donc au sommet, à contempler la pente et les alentours, perchés alors entre deux écoles. La francophone de Montarville, et l’anglophone de Mount Bruno. Je regardais la cour de la première, recouverte de son épais manteau blanc. Leur petite école sous la neige. J’ai dit ça à voix haute parce que je pensais que ça ferait un bon titre. Bien sûr, comme j’ai dit ça sans préambule, mon amoureux m’a regardé bizarrement. Mais pas trop quand même puisqu’en dix ans il a largement pris la température de mon étrangeté. Il a donc dit «quoi?», et j’ai répondu que nos filles grandiraient dans ce pays-là, où l’on va à l’école par moins 15 degrés et où les cours sont recouvertes de neige. Nous ne côtoyons pas encore ces écoles-là, mais la cour de notre garderie est bien remplie elle aussi de cette neige impeccable. Et c’est un bonheur de les voir grimper à la file en haut de la petite butte, pour glisser chacun leur tour dans leur petit traîneau de plastique. C’est toute une enfance, une certaine enfance en tout cas.

Certains grandiront les pieds dans le sable et les yeux dans l’eau, pour ne plagier personne, d’autres feront leurs premiers pas sur les trottoirs de Manille, de Paris ou d’Alger, et ne me remerciez pas pour l’air qui vous trotte désormais dans la tête. Mais mes filles grandiront les pieds dans la neige, marcheront d’un équilibre précaire sur les trottoirs verglacés et feront de la luge six mois par année.

Et c’est vrai que j’aime tellement ça la neige. La première, la dixième aussi. La banlieue nous convie volontiers dans sa blancheur immaculée. Comme à Montréal les routes se salissent, les voitures garrochant de la slush boueuse le long des trottoirs. Mais nos rues transversales, nos cours arrières, nos stationnements, nos parcs de jeux, conservent leur manteau d’hiver. Et c’est un peu des vacances que l’on transporte chaque jour au fond de nos poches, un peu de Noël, un peu de ces jours lents, de ces histoires au coin de feu, de ces pistes dévalées, de ces raclettes avalées.

Saint-Bruno, ma ville chérie, n’est pas en reste dans cette féérie. Ainsi vêtue, elle s’illumine encore un peu plus, devenant durant quelques mois la représentation québécoise des stations de ski de mes jeunes souvenirs. On souffle alors dans l’air froid, les joues rougies, les mains blanches. On presse le pas vers Caffellini, vers le Markina, vers la Tasse Verte ou même en direction de la nouvelle boulangerie du Pain dans les Voiles. On jette les mitaines sur la table avant d’agripper le café chaud, le chocolat bouillant et ses petits chamallows flottants, le thé aux effluves de cannelle. On prend le temps de s’arrêter, puisque la neige impose cette lenteur. On reprendra la course plus tard…

De très belles Fêtes à vous tous, soyez heureux!

-Lexie Swing-

Immigration : obtenir un médecin de famille (encore)

DocteurIl est difficile de trouver, et d’obtenir, un médecin de famille au Canada. Tout le monde vous le dira. Et les immigrants ne sont pas seuls dans cette galère : en 2015, 420 000 Québécois étaient inscrits sur les listes d’attente du Guichet pour la clientèle orpheline (GACO), un chiffre qui avait déjà quadruplé par rapport à 2013.

Obtenir un médecin est comme trouver le Graal. Au point que, lorsqu’une clinique m’a appelée un jour au bureau en cherchant une ancienne collègue, qui avait visiblement donné le numéro de poste de la ligne qui était désormais la mienne, je me suis dépêchée de la prévenir par LinkedIn qu’un médecin de famille lui avait été attribuée et qu’on cherchait à la joindre. Car le message laissé par la clinique était pressant : elle devait rappeler sans délai sous peine de voir son attribution lui passer sous le nez…

De notre côté, nous avions été chanceux. Sitôt arrivés au Québec, nous avions pris rendez-vous dans une clinique privée pour enfants où, moyennant le paiement d’un abonnement, un médecin nous a été attribué. Cette jeune médecin ayant encore de la place et recevant aussi les adultes dans une autre clinique de Montréal, elle nous a proposé de nous prendre sous son aile… Nous avions un médecin!

Cependant voilà, les années ont passé et nous avons déménagé loin, bien loin de la clinique où se passaient les rendez-vous semi annuels des filles. Une journée de congé était nécessaire pour nous permettre d’y assister. Et même si nous avions créé une routine amusante, dinant toujours au même restaurant et profitant de l’occasion pour arpenter notre ancien quartier, nous avons commencé à songer à trouver un nouveau médecin.

Pas facile, pensez-vous… (avec raison).

Cependant, l’idée n’est pas venue seule. Si nous nous rendions de moins en moins aux rendez-vous de suivi (deux sur quatre seulement pour Tempête), nous avions littéralement pris une carte de fidélité à la toute nouvelle clinique de notre ville pour les otites à répétition de notre toute-petite. Alors que je déplorais la distance qui nous séparait de notre médecin de famille, la secrétaire m’a souligné, en passant, que tous les gens inscrits sur les listes de la clinique avaient été contactés, et qu’il était possible de s’inscrire et d’espérer avoir une place dans l’année.

Aussitôt dit, aussitôt fait. J’avais deux possibilités : nous désinscrire des listes de notre premier médecin et me réinscrire sur celles de notre secteur médical. Ou réussir à nous inscrire sur la liste du Guichet de la clientèle orpheline en conservant notre médecin jusqu’à obtenir une nouvelle attribution. Et la deuxième solution a été validée par ledit guichet!

L’inscription fut faite en septembre, et en novembre nous recevions le précieux appel : celui qui vous informe que vous avez obtenu un médecin. Cela ne représente pas pour nous la joie que cela doit procurer chez ceux qui attendent depuis longtemps, mais tentons d’imaginer quand même le bonheur de cet appel : vous avez enfin quelqu’un vers qui vous tourner lorsque vous êtes malade, quelqu’un qui connait votre dossier et peut faire des suivis, une clinique médicale à laquelle vous référer. Ce n’est plus l’angoisse de devoir faire des vérifications, ou des prises de sang. Mieux : dans notre clinique, et sûrement dans plusieurs cliniques, une fois que vous êtes inscrit auprès d’un médecin de cette clinique, vous pouvez appeler le matin même et espérer obtenir un rendez-vous dans les 24 à 48h.

On ne se rend pas compte de ce que représente le fait d’avoir un médecin de famille, ou un médecin traitant, avant de ne plus en avoir. Si vous venez d’arriver au Québec, ne tardez pas et inscrivez-vous sur la liste du Guichet de votre région. N’hésitez pas, également, à poser la question. Peut-être que, comme nous, le médecin de votre enfant travaille aussi comme médecin de famille pour adultes. Parfois, il suffit juste de tomber au bon moment, sur la bonne personne.

Et de votre côté, avez-vous trouvé un médecin?

-Lexie Swing-

Crédit photo : Hush Nadoo

Mon petit bled au Canada {livres}

Il y a fort fort longtemps que je veux vous parler de ce livre. Je l’ai lu à la fin de l’hiver, après l’avoir emprunté à la bibliothèque via ma liseuse. Je l’ai tellement aimé que j’ai fait des résumés à tous les amoureux des livres que je croisais. J’enjoignais les Anglophones à se procurer la version originale, je notais tout ce que j’avais appris ou retenu sur le sujet.

Mon petit bled au Canada, ou « Laughing all the way to the mosque », selon son titre original est un bijou, dont je vous livre ici le pitch, de mémoire.

L’auteure, Zarqa, est d’origine pakistanaise. Arrivée au Canada enfant, elle raconte avec beaucoup d’amour comment se côtoient alors sa culture et religion musulmane, et sa vie dans un pays occidental libéral. On y découvre la pratique, la place de la foi au quotidien, l’évolution, les traditions. On s’étonne devant les différences entre les pays ou peuples de confession musulmane, on sourit lorsqu’elle souligne les clichés et les absurdités.

J’ai découvert avec elle la pratique du ramadan (autrement que dans les articles de journaux), la séparation des hommes et des femmes (ou non) à la mosquée, la place et le poids de l’Arabie Saoudite. Je l’ai accompagnée dans son pélerinage jusqu’à la Mecque, tentent de voir à travers ses yeux un monde auquel je ne connaissais absolument rien.

Ce livre est une pépite, le rire et l’humour y sont prépondérants. La tolérance y est absolue. Certains dialogues sont, si ma mémoire est bonne, fictionnels, mais le cheminement est autobiographique.

Zarqa Nawaz est auteure, journaliste, scénariste et productrice. Elle est notamment à l’origine d’une série télévisée appellée « La petite mosquée dans la prairie ». La dernière fois que j’ai regardé des infos à son sujet, des femmes musulmanes de Regina, Saskatchewan, avaient, sous son impulsion, rejoint la Gay Pride pour la première fois. Tout un symbole, n’est ce pas ?

La couverture de la version francophone est bien moins cool que la version anglophone. À refaire, je lirais plutôt cette deuxième. À vous d’essayer! Vous me raconterez !

-Lexie Swing-

Photo : Regina Leader-Post

Quand l’anglais bloque…

Au Québec, à Montréal du moins, tout le monde parle peu ou prou anglais. Au moins un peu. Contrairement à la France, il est rare de commencer une phrase par «Hey, can I ask you…» et de se retrouver face à une personne montrant une incompréhension totale. Suivant le niveau de la conversation, il est possible que l’on vous réponde en français, mais la compréhension orale est bonne. Le quotidien, les publicités, la radio, la télévision et le reste ont largement contribué à cet état de fait.

Alors quand on arrive au Québec, on réalise vite qu’il va falloir maîtriser aussi l’anglais, au moins un petit peu. Lorsque l’on travaille dans les services, ou en contact avec la clientèle, il est (selon moi) indispensable d’être capable d’interagir dans les deux langues, dans le cadre d’une conversation basique au moins. Et surtout, surtout, d’être capable de comprendre son interlocuteur.

Travaillant pour un média francophone, j’ai passé les trois premières années dans un confortable déni de mon piètre niveau. Je m’y suis trouvée confrontée, à de rares moments, lors d’entrevues avec des anglophones, mais la honte du moment était vite oubliée.

Peu à peu, parce que l’on reprenait et synthétisait des articles de médias anglophones, ma compréhension s’est améliorée. Reste que je me retrouvais incapable d’aligner deux mots.

J’ai pourtant passé quelques mois en Irlande, mois dont je suis revenue avec un anglais courant, à défaut d’être fluent. Mais face à la concurrence environnante, et cette aisance à changer de langue au fil d’une même conversation, ma capacité à m’exprimer en anglais s’est comme atrophiée. Je me suis mise à bafouiller, à dire des do quand il fallait dire does, et des is quand j’aurais dû dire was. Mon accent, qui de façon surprenante était relativement correct pour une Française; mon accent est devenu indéchiffrable, incompréhensible. Un yaourt semblait habiter ma bouche. Une patate brûlante.

J’ai changé de travail et j’ai commencé à devoir échanger avec des Anglophones. À l’écrit, à l’oral. Au fil des réunions, ma compréhension devenait quasiment parfaite. Mais lorsqu’il s’agissait de s’exprimer, m’agrippant au principe de la province francophone, je me rabattais sur le français. Toujours. Si je devais écrire un courriel en anglais, je vérifiais la moitié des mots sur Linguee et ne mettait personne en CC.

Et puis un beau jour on m’a proposé des cours d’anglais. Pas parce que mon niveau était atroce mais parce que cela se faisait, dans mon entreprise. Je me suis donc retrouvée face à elle, ma prof. Une Anglophone de Montréal au rire sans fin et au verbe pointu. Une fille passionnante, avec qui j’ai commencé à échanger sur toutes sortes de sujets, faisant fi de cette langue que je ne maîtrisais plus.

Quand elle m’a demandé «Que souhaites-tu retirer de ce cours, pour quelle raison es-tu là?», j’ai mentionné mon envie de dépasser mes peurs. Peu importait que je fasse des fautes, je voulais être capable de parler, juste ça, parler.

Trois heures par semaine ont eu raison de mes appréhensions. Tout à coup le barrage a lâché. Tout à coup ma parole s’est libérée. J’ai cessé de tout regarder sur Linguee. Je me suis fait confiance, puisqu’elle semblait me comprendre.

Trois semaines après mes débuts, mon accent était revenu, normal, habituel. Pas parfait mais compréhensible. Et pour la première fois, cette semaine, j’ai mis une collègue en CC. Sans relire dix fois. Juste comme ça. Parce que maintenant je sais, je suis capable, et demain sûrement je saurais encore mieux.

Ce que je fais pour améliorer mon anglais au quotidien:

  • Je lis de la chick-lit. Je sens que là je vous fais rêver… Je suis incapable de lire Bridget Jones et autres comédies romantiques du genre, sauf en anglais! En anglais je n’ai pas conscience du style, ni de l’incohérence de l’histoire. Les histoires sont gentillettes. Parfaites pour lire sans se prendre la tête en butant sur les mots. S’il y en a un que je ne saisis pas, ce n’est pas grave, ça ne devrait pas me faire perdre le fil de l’histoire… Dans le même genre, une amie m’a confiée avoir lu Fifty Shades of Grey dans la langue de Shakespeare. Et puis c’est facile, martinet se dit martinet, en anglais.
  • Je parcours des articles. Je lis Courrier International depuis des années… La distance fait que, désormais, je le lis en priorité sur Internet. Alors quand la version originale est anglophone, je n’hésite plus, je me plonge dans l’article en VO. Et si à la fin j’ai un doute de compréhension, je peux toujours relire la traduction de Courrier International, histoire de…
  • Netfliiiix. A notre arrivée au Canada, nous avons dédaigné la télévision pour investir dans ce qui n’existait alors pas en France : Netflix. Si j’imagine que dans l’Hexagone les films et séries proposés sont traduits en français, il n’en est pas de même ici. Certains sous-titres sont parfois disponibles, mais pas partout, et pas tout le temps. Et puis on s’habitue vite à la vraie voix de Chandler ou de Monica (vous vous rappelez lorsque le doublage changeait soudainement au milieu d’une saison? Affreux!). Désormais, on ne cherche plus. On écoute les films en anglais, sous-titrés en anglais au besoin. Et on imaginerait plus les regarder autrement!
  • J’écoute des podcasts! C’est assez récent, ça a commencé lorsque J. a abordé le sujet de ses podcasts préférés sur son blogue. J’ai notamment commencé à écouter « Terrible, thanks for asking« . Nira McInerny a une histoire difficile mais une voix incroyable. J’adore l’entendre. Plus récemment, je me suis lancée dans « Stuff Mum Never Told You« , un podcast animé par deux Américaines et qui traite de sujets sur les femmes / le féminisme. Je les écoute pendant ma pause lunch au boulot ou dans le train. Je sais que J. écoute plutôt lorsqu’elle marche dans la rue. Chacun ses habitudes, l’important est d’habituer son oreille et d’entrainer sa compréhension orale!

Et vous, parlez-vous bien anglais? Au boulot? Dans la vie de tous les jours? Comment faites-vous pour vous entraîner?

-Lexie Swing-

 

Elle grandit loin de moi

J’ai voulu la soulever et ce n’était plus possible. Elle avait désormais la carrure d’une adulte, à peine quelques centimètres de moins que moi. Ça aurait pu vouloir dire que j’étais rendue trop faible. Mais il était plus probable que la distance et les années l’ai rendue plus grande et plus forte que mon esprit voulait bien l’accepter. 
C’était il y a un instant à peine, pourtant, que ma nièce, la toute première, reposait là dans le moïse blanc. Celui qui avait accueilli sa mère et son oncle, celui qui bercerait le reste de sa fratrie et sa cousine, plus tard. Avant que l’on s’échappe à l’autre bout du monde et que le berceau de famille ne puisse nous suivre pour accueillir en son sein la petite dernière, née canadienne.
L. a été longtemps la première. Et la seule. Elle était le joli poupon que l’on portait sans cesse. La petite fille qui marchait en tenant nos mains, sous le soleil marocain. Elle a égayé nos jours certains mois de tempête et s’est prise d’affection pour ce chiot blanc et poilu qui avait peur de tout.
Ce même chiot qui aura 8 ans cet automne.
Ma nièce, elle, aura dix ans en janvier. Et ça fait des années que je dois faire un effort pour me souvenir qu’elle n’est plus la toute petite fille que l’on a laissée. Qu’elle est une personne qui raisonne, une personne d’opinion.
La distance et l’absence ont effacé la rupture du temps. Dans ma mémoire, tout se mélange. Malgré nos quelques retours ces dernières années, elle paraît n’avoir jamais eu 6 ou 8 ans. Un jour 5 et puis maintenant bientôt dix. 
Elle entre en CM2 avec un an d’avance. L’an prochain ce sera le collège. L’adolescence. Des préoccupations bien secondaires, bien loin de ce toutou qu’il fallait toujours penser à prendre et de ces nuits où elle ne dormait pas. 
Il nous faut désormais tout réapprendre, tout redécouvrir. Et accepter que dans quelques semaines, sa vie redeviendra en partie, un mystère.
-Lexie Swing-

Crédit photos : Lexie Swing

Immigrer au Canada en dix questions 

Il y a quelques jours, je fêtais mon 4e anniversaire au Québec en surveillant la mouette qui lorgnait sur ma quiche aux champignons. Elle et moi marchions le long du quai, à l’extrémité du Parc Jean-Drapeau, et je faisais face à la skyline de Montréal, comme 7 ans auparavant, lors de nos premières vacances. Cette immigration et les questions qui s’y rattachent feront, je pense, toujours partie de nos vies. J’ai pour preuve cette connaissance, Française immigrée au Québec depuis 25 ans, à qui l’on pose tous les jours une question en rapport. L’accent fait toujours office d’allumette au feu des questionnements.

Je ne suis pas contre. Les questions sont généralement bienveillantes. Mais d’autres, peut-être, se les posent aussi. Voici dix questions que l’on me pose souvent, une fois mon accent identifié. Pas les dix d’un coup, il n’y a guère que moi qui sois capable de noyer quelqu’un sous un tel flot en l’espace de quelques minutes (#monfreremappellelaGestapo).

1) Mais… pourquoi?

C’est peut-être la question la moins facile. Pourquoi es-tu là? Ton pays est si beau, on y mange si bien, tu as la Sécu, qu’es-tu venue faire ici?

En fait, il y a huit ans, nous avions envie d’aventures. J’avais vécu en Irlande, mon chum avait vécu en Suisse, être étrangers quelque part était une façon de vivre qui nous séduisait. Nous pensions demander un PVT et puis certaines circonstances nous ont contraints à repousser le projet. Un an plus tard, nous nous envolions pour des vacances méritées au Canada. Le coup de foudre! Nous avons réfléchi au projet… jusqu’en 2011! En septembre, j’ai obtenu un contrat de deux ans au fin fond de la France, seul moyen pour décrocher un boulot dans ma branche. Mon chum, lui, commença bientôt à conjuguer boulot alimentaire et job de passion indépendante. Deux ans de contrat, deux ans parfait pour donner le coup d’envoi au projet «Résidence Permanente – Destination Québec». Ce qui nous poussait : l’envie d’ailleurs toujours, doublée d’une difficulté à trouver un travail dans nos branches (Paris exclu) et un climat social délétère (ce serait bientôt la Manif pour tous, rappelez-vous). Quelques problèmes de carte bancaire, de CSQ perdu par la poste et un bébé plus tard, le sésame a été délivré un matin de juillet. Le 25 août 2013, je m’envolais pour le Québec avec Air Transat, mon bébé arrimé dans le dos et mon chien enfermé dans une caisse immense.

2) C’est pas difficile de tout recommencer?

Si! Mais on est porté par l’euphorie du projet. Cependant, je n’aurais pas le goût de recommencer là, maintenant. J’admire pour ça les gens qui immigrent de nouveau dans un autre pays, ou bien qui retournent en France, car la simple pensée de devoir recommencer des démarches entières ou de refaire des cartons me donne de l’urticaire. Mais quand on part, la première fois, c’est magnifique : on fait le tri dans sa vie, dans ses choses, on fait le point sur son existence, on abandonne des gens, des affaires précieuses, des lieux chargés de mémoire, mais on se sent libres comme jamais auparavant. On écrit un nouveau chapitre, et même un nouveau tome. C’est exaltant, magique… Le genre d’émotions qu’on devrait tous pouvoir vivre une fois dans sa vie.

3) La France ne te manque pas?

Non. Enfin si. Mais pas ce que tu crois. Ma famille me manque, mes amis me manquent. La nourriture non, les paysages pas tant. Le plus difficile pour moi est de ne pas pouvoir être dans la spontanéité avec mes proches. Plus question de faire la surprise à mon père de le retrouver pour un lunch le jour de son anniversaire, plus de café «je prends ma pause je reviens dans cinq (20) minutes» avec ma mère, à côté de mon boulot, plus beaucoup d’amis qui passent dans le coin et restent pour souper. Impossible d’accorder plus de trois heures à nos amis lors de nos retours en France et l’essentiel doit être dit dans ce laps de temps. Ils me manquent, c’est évident. C’est triste, tout un pan de vie laissé derrière soi. Mais je ne pourrais revenir en arrière. La vie gagnée ici est une véritable pierre précieuse, une émeraude magnifique. Elle est un peu croche à cause de mes proches qui me manquent, mais elle luit de mille feux.

4) Tu as eu un bébé en France, l’autre au Québec, tu as préféré quoi?

Voyons voir… J’ai adoré, en France, être suivie par une sage-femme, et mon accouchement à Toulouse, à Estaing, était au-delà de toutes mes espérances. J’avais détesté par contre mon début de suivi avec une gynéco et j’ai trouvé le temps long – 4 jours – à l’hôpital. Mon suivi au Québec était moindre. J’ai fait trois échos, même si une seulement était obligatoire. Et j’ai trouvé la deuxième écho expéditive. Si je n’avais pas eu d’autres échos, et si en plus ça avait été mon premier bébé, je pense que j’aurais été affreusement déçue. J’ai beaucoup aimé mon accouchement, la gentillesse du personnel malgré la taille de l’hôpital, la sympathie du médecin. J’ai adoré pouvoir sortir au bout de 36h.

5) C’est quoi ton plat préféré au Canada/ tu me conseilles quoi?

La tarte au sucre et le pouding chômeur. Je ne suis pas une grande fan du sirop d’érable. J’aime, j’adore dans les vinaigrettes même, mais je n’en mets jamais sur les crêpes par exemple. Mais alors le sucre à la crème et autres préparations du genre… C’est bien simple : j’ai goûté une fois les mini-tartelettes au sucre d’un endroit proche de mon ancien boulot… et j’y suis retournée tous les jours, à la saison des sucres suivante, pour savoir quand ils allaient se décider enfin à en refaire! (C’est mon petit côté harceleuse qui ressort… ou la dépendance au sucre)

6) Mais comment t’as fait pour amener ton énorme chien?

Rien de plus simple! Je l’ai fait vacciner, y compris contre la rage. J’ai acheté une cage aux normes IATA, assez grande pour qu’il puisse se tourner. Je l’ai mis dedans (mais seulement une fois à l’aéroport). Je l’ai donné au gentil monsieur qui l’a déposé sur le tapis roulant. Je l’ai retrouvé 7h plus tard la queue entre les pattes, au milieu des bagages hors-dimension et je l’ai chargé comme j’ai pu sur un chariot. J’ai payé une taxe de 30 dollars environ pour son arrivée, si ma mémoire est bonne, et il a pu entrer au Canada. Le plus difficile a été de trouver un appartement qui acceptait les chiens (mais pas si difficile dans certains quartiers comme NDG).

7) Comment sont vus les enfants au Québec?

Ils sont les rois! Ils ont généralement des sets à colorier au resto, et des crayons à disposition. Il y a des tables à langer dans de nombreux toilettes de restaurants, parfois côté homme et côté femme, parfois en mixte, dans les toilettes pour personnes handicapées. Il y a beaucoup d’initiatives à leur attention dans les villes, des spectacles, des activités. Je ne peux pas encore parler de l’école mais j’ai le sentiment qu’ils sont globalement acceptés dans leur individualité. Il n’est pas rare d’être arrêté dans la rue par quelqu’un qui veut te parler de tes enfants, parler à tes enfants, te donner un coup de main avec tes enfants (porter ta poussette dans l’escalier). Il fait bon être un enfant au Canada (et être un parent aussi, de fait).

8) Tu rentres tous les combien, en France?

Deux ans environ. On est rentré tous les 12 à 18 mois, mais notre prochain retour se fera seulement dans deux ans. Rentrer correspond à un budget vacances normal, et nous avons envie d’allouer ce budget à d’autres destinations que la France, maintenant que les filles grandissent. Notre prochaine destination devrait donc être les Îles-de-la-Madeleine, l’été prochain.

9) C’est pas difficile de se faire soigner au Québec? La Sécu ne te manque pas?

Avec les années, on oublie un peu ce qu’il est possible de faire ou non en France, notamment au niveau de la Sécurité sociale. La prise en charge y est meilleure, voir certains spécialistes est plus rapide et les hôpitaux, pour certaines choses, sont plus rassurants. Le temps d’attente aux urgences est également moins long, je crois. Mais, sans comparer, voici ce que je peux dire : nous avons eu un médecin de famille très tôt après notre arrivée au Québec, ce qui est plutôt rare. C’est le même médecin que mes filles, et elle s’est proposée pour nous prendre en plus de nos filles. Les enfants trouvent généralement très facilement un médecin, et ils sont prioritaires en bas de 5 ans.

Nous avons fait une demande pour changer de médecin car depuis notre déménagement, nous sommes à une distance trop importante pour nous y rendre. Heureusement, elle nous donne parfois des conseils par courriel, mais nous avons sauté beaucoup de rendez-vous de suivi de notre fille en raison de cet éloignement. Nous sommes désormais sur les listes du Guichet d’accès pour la clientèle orpheline.

Lorsque nous sommes malades, nous allons au «sans rendez-vous». A Montréal, il est courant de se présenter puis d’attendre pour voir le médecin, mais sur la Rive-Sud, la politique est plutôt d’appeler la veille au soir et de réserver une place pour le lendemain matin.

Côté urgences, le service est bon au Children’s pour les enfants. On y est allé 5 fois je crois en 4 ans. Les cas urgents ont été pris de suite et très bien soignés. Pour nous adultes, c’est plus compliqué. Nous avons renoncé une fois car le temps d’attente était trop important. Par contre, une autre fois, mon conjoint a été pris rapidement après que le médecin du sans rendez-vous a appelé l’hôpital pour prévenir de l’urgence de la situation… Il y a du bon, comme du mauvais. Le système aura besoin d’être amélioré, c’est certain. Mais en tant que nouvel arrivant, l’important est surtout d’arriver à le décoder. Repérer quelques adresses, glaner des noms de médecins, afin de s’enlever ce stress particulier qu’est une santé mal encadrée.

10) Pis tu vas rester?

Oui, c’est le plan A. Ce n’est pas gravé dans le marbre, aucune trace indélébile, mais cœurs et raisons nous donnent le goût de rester. Nous sommes heureux, la vie se construit, nos enfants grandissent ici, ils ont de bonnes perspectives d’avenir et avec un peu de chance, nous pourrions obtenir la citoyenneté en 2018 ou 2019. Ma personnalité fait que, à chaque nouvel appartement, maison et ville où nous avons vécus, je m’empressais de parler de la prochaine destination, je ne défaisais jamais vraiment les cartons. Lorsque je suis arrivée au Québec, j’ai su très vite que je ne voulais plus repartir. Et mon envie s’est encore plus concrétisée quand nous avons emménagé à Saint-Bruno. J’aime où je suis, ce que je vis. Je ne voudrais plus bouger d’un iota.

 

– Lexie Swing –

Le temps des fêtes 

Août est un mois chargé en célébrations chez nous. Outre le fait que mes neveux sont nés ce mois-ci, ainsi qu’une petite fille qui m’est très proche, nous enchaînons également en quelques jours notre anniversaire de rencontre, celui de l’arrivée de mon amoureux au Canada, l’anniversaire de naissance de notre cadette, ainsi que celui de l’arrivée de ma grande, du chien et de moi-même dans notre patrie d’adoption.
Août est un beau mois, il nous réussit certainement. Depuis dix ans désormais, nous célébrons donc chaque année notre rencontre, du moins nos retrouvailles si l’on tient compte du fait que l’on se connaît depuis l’adolescence. Nous avons tenté de nous souvenir de chacun de nos anniversaires, puisque nous les fêtons, mais sans succès! Il y a comme un creux aux alentours des années 2011 et 2012, une incertitude. Quand avez-nous mangé dans ce restaurant sur Saint-Laurent? Est-ce pour notre anniversaire que l’on s’est offert ce voyage? Impossible d’avoir la timeline parfaite. Le temps a fait son œuvre et effacé nos repères, à défaut de notre sentiment d’avoir, malgré tout, réussi. Puisque cela fait dix ans et que l’on débat toujours avec autant de plaisirs, que l’on rit, que l’on échange, et que l’on se choisirait encore certainement, pour une première danse. Bien sûr, les défauts sont devenus plus pesants, et l’habitude a parfois pris le pas sur le plaisir de la découverte. Le fait d’avoir des enfants a fait naître aussi, l’envie plus pressante d’être seul(e). Chez soi, et surtout dans sa tête. Quand les enfants se taisent, on n’a plus autant envie qu’autrefois de relancer une discussion et l’on apprécie la quiétude du silence, fut-il partagé à deux. Mais on a appris aussi à nommer cette évidence, à souligner les incohérences, souvent au prix d’éclats de voix, histoire d’éviter d’autres éclats, au niveau du cœur. Et c’est ça aussi, dix ans. L’âge de sagesse (bientôt la préadolescence! À nous les emportements hormonaux, les boutons pis les cellulaires au forfait bloqué!)

4 ans également passés ici, au Québec. 4 ans de rebondissements, de changements, de joie, de tristesse aussi, mais 4 ans passés dans la plus complète certitude : ici, c’est chez nous. Le Canada n’est pas un eldorado mais il est indubitablement notre petit paradis terrestre. Ses gens bien sûr, mais aussi ses perspectives, sa beauté inégalable, sa richesse, ses surprises, ses associations alimentaires, ses initiatives à destination des enfants et la manière dont la famille est valorisée, sa tolérance, son climat lunatique, sa faune étonnante, et surtout ce sentiment qu’il me procure de n’être jamais complètement arrivé chez moi. Comme si ma vie, depuis 4 ans, était un perpétuel voyage en terre inconnue.

Et puis deux ans d’elle, mon amour. Deux ans que tu ris aux éclats, que tu grimaces, que tu nous enchante. Un an bientôt que tu marches, que tu grimpes, que tu cours, que tu sautes, que tu grimpes encore, et toujours plus haut, que tu fais la sourde oreille, que tu fais des câlins, que tu parles désormais, que tu chantes «Maman les p’tits bateaux» même si tu ne te rappelles jamais de la partie avec le gros nigaud. Tu es mon soleil E. Je t’aime tellement.

-Lexie Swing-

 

 

 

 

FaceTime family

FaceTime expat enfantsQuand j’étais enfant, mes grands-parents appelaient chaque mardi, le soir venu. «Que fais-tu cette semaine?» et « C’est tout ce que tu me racontes?» étaient probablement des questions rituelles. Avec les années, mon envie de leur confier mon quotidien a connu quelques avaries, mais la constance de leur appel, elle, a demeuré.

C’est avec la quasi même constance que nous appelons les grands-parents de nos filles, chaque semaine. Il y a quelques oublis et des semaines aussi plus prolifiques, mais la répétition est là, généralement la fin de semaine, décalage horaire oblige. La différence est que Miss Swing n’a jamais su porter un téléphone à son oreille. Dans le monde de ma grande, le téléphone a un visage et on le regarde avec ses yeux.

Nos relations sont des «FaceTime ones». Comme beaucoup d’expatriés ou d’immigrés, mais aussi finalement comme des millions de parents dans le monde. Parce que Clermont-Ferrand est à 4 heures de Paris, et que ça prend autant de temps de faire Montréal-Vancouver que de traverser l’Atlantique. Nous sommes tous des parents au bout du monde, au bout d’un monde. Combien d’entre nous ont encore la chance d’avoir leurs parents, les grands-parents de ses enfants, à distance de marche?

Alors à défaut d’être à distance de marche, ils sont à portée de voix. Il n’y a rien comme un tout-petit du XXIe siècle pour déverrouiller un téléphone ou une tablette et reconnaître le nom de ses grands-parents dans la liste des derniers appels vidéos. Plus ils grandissent, plus les choses racontées s’étoffent et plus les appels durent.

On les trimballe dans la maison, et les visages virevoltent au gré des idées de l’enfant qui les transporte. Il devrait y avoir un nom pour cette nausée qui gagne la personne ainsi bringuebalée. Ils ne voient souvent de leur petit-enfant que le haut des yeux, le front et la pointe des cheveux. Beaucoup de plafond aussi. Ils sont retournés à demi, vers le jeu qu’on voulait leur montrer ou le dernier dessin créé. Et ils essayent de deviner. Ponctuent de « oh c’est joli » et de « ah oui vraiment » les réflexions de leurs petits-enfants, qui comme tous les enfants ont le verbiage aléatoire et les histoires un peu trop longues.

Parfois, ils sont juste posés là, en travers de la table du petit déjeuner, appuyés sur le pot de confiture, entre deux tartines beurrées. Ils partagent un peu de notre quotidien, tentant de comprendre entre les bouchées et les postillons. Sans parler de cette fichue tablette qui s’affale sans cesse, le pot de confiture glissant imperceptiblement sous le poids de l’écran. Personne ne connaît aussi bien le plafonnier de la cuisine que les grands-parents.

Reste alors le perpétuel questionnement. Tempête reconnaît-elle ces grands-parents nés de l’autre côté de la grande flaque? Qu’y a-t-il de similaire entre ces faces un peu pixellisées et les visages de chair et d’os qu’elle malaxe entre ses petites mains potelées, lors des retrouvailles.

La voix.

J’ai mis longtemps à deviner à quoi mes filles reconnaissaient leurs grands-parents, et j’ai fini par comprendre. Leur voix est unique. A peu près inchangée entre l’appareil et la réalité. La voix de mon père a créé le souvenir nécessaire à B., lorsqu’à 18 mois elle s’est retrouvée face à lui, qui l’attendait sur le perron de notre maison. La voix de ma mère est imprimée dans la mémoire de Tempête, qui galope à travers la maison lorsque je l’appelle en catimini depuis ma chambre. Celle de ma belle-sœur, leur tante, est inimitable. Tout comme les rires de leurs cousins, «venus dîner chez Mamie».

Au Québec, on dit souvent que ça prend un village pour élever un enfant. Désormais, ça prendra un peu plus que ça. Quelques états, un océan, des milliers de kilomètres, des trajets en avion, et des grands-parents à portée de voix. FaceTime en plus.

-Lexie Swing-

Crédit photo : Lexie Swing

 

« J’ai changé de job » : 6 mois déjà!

Il y a six mois je vous annonçais mon grand changement de l’année 2016 (in extremis) : je changeais de job. De journaliste, métier visé depuis l’adolescence, je suis devenue… Je suis devenue quoi au fait?

Je suis devenue coordonnatrice. Ce qui est cool, avec un titre pareil, c’est qu’il veut tout dire. On lui accole toutes les prérogatives, et toutes les possibilités. Il y a des adjointes administratives qui sont des coordonnatrices, il y a des gestionnaires qui ont des titres de coordonnatrices. Et moi… et bien moi je suis un peu au milieu de tout ça. J’ai un poste pivot, un poste transit, je fais de l’administratif, j’ai une responsable à laquelle je me réfère, je coordonne de l’événementiel et soumet mes recherches à des comités. Je suis les discussions en témoin discret, en CC dans les courriels, en adjointe de réunion. Je documente, je garde, je garde tout. Dans un coin dans ma tête, dans mes cartables/classeurs par milliers. Je synthétise des informations, je dresse des bilans, j’accueille des gens, je pose des questions et anime en duo des tables rondes.

Je suis un membre d’équipe, ce que j’ai toujours ardemment souhaité. Je suis un personnage de l’ombre, comme je l’ai longtemps voulu. Je suis une personne référence, et ça me donne un petit quelque chose au quotidien.

Cela fait six mois. Pas une journée n’a été la même, pas une semaine n’a ressemblé à une autre. Je mesure aussi ma chance. Ce changement, sans expérience. Cette confiance, basée sur mes seules compétences et ma seule envie, n’aurait pas été possible ailleurs, en tout cas pas si facilement. Je suis venue au Canada aussi pour ça, et je suis rassurée de savoir que l’oasis au loin n’était pas qu’un mirage.

Je suis enfin revenue sur mes rails.

-Lexie Swing-

La reprise

cupcakeQuand nous sommes revenus de vacances, c’était un dimanche. Dès le lundi nous reprenions tous le chemin de notre quotidien. C’était un choix, et peut-être pas si mauvais compte tenu du fait que cela a évité aux filles de se morfondre devant la fin des vacances, et à nous de traîner la patte pour retourner au travail.

Le reste a suivi avec un peu plus de mal. Notre jardin était en friche, notre potager attendait ses plants, le sol du salon était toujours en stand-by, etc. Les jours ont défilé avec cette régularité qui rend facilement indolent face au moins nécessaire, comme le blogue.

Mais les semaines ont passé, nous avons rattrapé le retard des jours d’absence et il est temps de replonger. Ce n’est pas un début d’année mais qu’importe. Nous sommes toujours au commencement de quelque chose.

J’ai réfléchi à ce qui me plaisait de lire ailleurs, et j’ai décidé de le souligner un peu plus ici. Un peu plus de quotidien, un peu plus de choses testées que je souhaiterais vous partager (mais ne comptez pas sur moi pour photographier tous mes plats au restaurant, je n’ai pas la politesse d’attendre avant de dévorer), un peu plus de voyages, j’espère, et quelques repères pour les nouveaux arrivants. Un peu plus de chair, en fait. J’ai aussi décidé (enfin) de changer le physique du blogue. Il a une nouvelle coupe tendance, il a pris le soleil du Sud, il a fait du sport, et désormais il se sent mieux. J’espère qu’il vous plaira ainsi.

Il est possible que vous ayez l’impression que je prends un virage écolo-bio-féministe, ou féministo-biocolo-végétarien. Je veux d’abord que vous sachiez que ce n’est pas un virage. Comme je l’ai déjà souligné, le bio m’a longtemps fait rire (je trouvais que c’était une arnaque) et le véganisme (comme ce cupcake) est longtemps resté pour moi un truc d’extrémiste, chose que – comme je ne vous l’ai jamais caché – j’exècre. Il est vrai que j’évolue tranquillement vers ça (c’est pourquoi j’ai ensuite mangé ce cupcake). Parce que l’on change en grandissant, en vieillissant, et que je trouve ça correct. Il y a peu de chances que je me déclare soudainement la grande papesse de la tendance grano du moment. Parce que, chanceux que vous êtes, ce défaut là commence aussi à disparaître avec le temps. Quatre ans et demi de maternité, quatre ans comme immigrée, six mois comme nouvelle employée… Tout ça contribue à redonner un petit coup de boost à mon humilité.

Là où je vais être chiante, certainement, c’est sur l’égalitarisme, le féminisme. Quel que soit le nom qu’on donne à ce mouvement, il est pour moi central, primordial. Il est à la fois ce que je suis et ce que je transmets. Et j’avoue admettre peu les arguments qui vont dans l’autre sens. Je comprends qu’on puisse se sentir moins concerné, parce qu’on ne l’a pas vécu vraiment de discrimination, parce que le couple de ses parents était un couple très égalitaire, parce que l’on a jamais eu l’impression d’être choisie ou refusée pour son physique ou son sexe, parce que personne n’a jamais eu de paroles déplacées… Encore une fois, je ne suis pas extrême. Je ne suis pas susceptible non plus. Je suis une cause perdue. Je ne sais ni tenir correctement un balai ni faire une division de tête (et encore, s’il ne s’agissait que des divisions…). Je ne rentre dans aucune case de genre, je suis trop à gauche, tassée dans un coin, je dépasse, j’étouffe un peu des fois, et je ne me reconnais pas toujours dans les traits que l’on veut me dessiner, mais comme je suis gentille je me contente de sourire et de tourner les talons. La position est inconfortable, elle l’est depuis longtemps, pour beaucoup de femmes, et beaucoup d’hommes, et aussi pour tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans leur genre d’origine. Je veux autre chose pour nous, maintenant, et pour nos enfants, demain. Voilà pourquoi de temps en temps mes articles reviendront sur cette idée. Et pourquoi je continuerai à partager des articles qui font une promotion accessible de l’égalité des genres et des efforts de chacun.

Vous êtes libres de suivre ce qui vous plait, mais ne fermez pas les yeux trop vite. On peut tirer matière à réflexion de tout, même si l’on est pas dans cette tendance, et même si l’on est pas d’accord.

A très vite!

-Lexie Swing-

Crédit photo : Lexie Swing